Et flûte. Tout avait pourtant si bien commencé. Une conjoncture économique globalement positive, avec un retour évident de la croissance et une inversion vigoureuse de courbes, permettait d’envisager l’avenir sereinement. Des promesses, réalistes, calmes et pondérées, furent faites. Des chiffres furent posés. Des élections furent gagnées. Et des résultats furent espérés. Et patatras, tout foira. La croissance ne pointa pas. Les courbes refusèrent de s’inverser. L’inflation, sur laquelle tant avait été misé, refusa obstinément de venir là où on l’attendait. Les trous se creusèrent. Les chiffres ne purent être tenus.
Misère, catastrophe et calamité vraiment trop imprévisible : le gouvernement a encore une fois raté un de ses objectifs qu’il s’était pourtant lui-même fixé. Au jeu de la prudence, il a encore échoué et alors qu’il comptait sur un déficit de la Sécurité Sociale déjà joufflu à 10 milliards d’euros en 2014, voilà qu’on s’achemine gentiment (mais fermement) vers un bon gros dépassement du dépassement, de l’ordre de 1.7 milliard d’euros. Cette année, le déficit atteindra 11,7 milliards d’euros.
C’est très gênant, d’autant que cette révision du déficit, déjà abyssal, intervient après les hurlements mal camouflés de la Cour des Comptes, la semaine dernière, qui se plaignait des déficits irréductibles de l’institution sociale.idiotes sibyllines (Laurent et Michel, en première ligne du gloubiboulga mental, n’ont pas démérité dans l’opération), qui l’effacement pudique (qui se rappelle que Fleur Pellerin s’occupe de l’Aculture ?), Marisol va devoir trouver une méthode pour faire contre mauvaise fortune, mauvaise économie et mauvaise gestion, bon cœur.
Ce ne sera vraiment pas simple. Tout comme le gouvernement qui, on l’a vu, va devoir faire preuve d’un talent d’équilibriste assez exceptionnel (et vu le calibre des clowns en place, assez improbable), la petite Marisol va devoir dégotter des économies sévèrement gonflées pour arriver à faire croire au reste du monde une année de plus que tout le bricolage vermoulu qu’on appelle la Sécu française peut encore tenir quelques mois de plus.
Cependant, en matière d’économies, je le rappelle encore une fois : il n’est absolument pas question de diminuer vraiment les dépenses de l’institution, même si ses cadres y sont bien trop grassement payés. Pour commencer à dégager une petite marge de manoeuvre ou un semblant de crédibilité, on devra donc plutôt tailler dans les prestations fournies. En plus, c’est facile, c’est exactement ce à quoi tout le monde s’attend et se résigne même.
Certes, il faudrait trouver plusieurs milliards d’euros, mais raboter ici et là dans les redistributions liées à la politique familiale permettra probablement d’en trouver au moins un. Les conseillers de Marisol ont un peu gratté les fonds de tiroir et sont d’ailleurs arrivés à la conclusion qu’on doit pouvoir économiser par exemple entre 300 et 400 millions d’euros en égalisant le congé parental. En substance, il s’agira d’aligner celui des hommes sur celui des femmes (youpi !) et de réduire celui des femmes à dix-huit mois (youpi ?). Et ça tombe bien : statistiquement, la femme prend bien plus de ces congés que l’homme.
En somme, les hommes ne profiteront pas de l’augmentation qui leur est offerte, et les femmes devront faire un effort. Et même si l’on peut se réjouir d’un retour à l’égalité, on ne peut s’empêcher de penser que cette égalité-là n’est mise en pratique que parce qu’elle est fort commode. Au passage, cela veut d’ailleurs dire que le gouvernement reconnaît (et utilise à son avantage) le différentiel de comportement des hommes et des femmes, et, par voie de conséquence, que les cotisations que ces premiers payent sont, au moins au regard des congés parentaux, sous-employées.
Bref, le mouvement est visible, inexorable et sera d’autant plus important que les finances sont mauvaises : les Français vont payer pour un service de plus en plus rétréci. Une question se pose alors : combien de temps continueront-ils à se faire ainsi flouer ? Combien de temps le système va-t-il persister à les ponctionner de sommes toujours plus importantes pour un service toujours plus petit, de qualité de plus en plus médiocre, le tout enrobé d’un flicage et d’une suspicion toujours plus grande ? Parce que la vérité crue, c’est que la part de cotisation dans le salaire n’a pas arrêté de progresser sur les 50 dernières années, et si, certes, les conditions démographiques, sociales et sanitaires ont évolué sur la période, on a du mal a justifier par cette évolution ce genre de courbes :
Et le plus épicé, dans cette histoire, n’est même pas la facture qui vous est camouflée dans des lignes absconses, tous les mois, à chaque salaire, mais dans le fait qu’on vous fasse croire qu’aucune alternative n’est possible, qu’il n’y a point de salut ailleurs ou que le privé serait, de façon certaine, plus cher.
Ironie du sort : pendant que les Français se font tringler à coup de trépan pétrolier par une institution qui s’enfonce dans les gabegies, les déficits et la médiocrité, les Suisses votent une fin de non recevoir polie mais ferme à toute introduction chez eux du merveilleux système social que le monde ne nous envie pas. Au passage, on en profitera pour rappeler que la prime moyenne payée par les Suisses pour leur assurance s’élève à 340€ sur des salaires moyens bruts de plus de 5000€ (soit 7% environ), là où le Français, joyeux et bondissant, paye en moyenne 350 euros pour un salaire brut moyen qui tourne autour de 2800 euros (ce qui fait dans les 12.5%), et ceci ne tient pas compte des autres prélèvements obligatoires (CSG et CRDS), qui alourdiraient méchamment la différence. Or, jusqu’à preuve du contraire, les Suisses ne sont pas parmi les plus mal placés en terme de soins de santé et dament le pion aux Français dans à peu près tous les classements sérieux, qui placent le système français plutôt … au milieu.
Avec les mesures d’économies et de flicage que le gouvernement nous concocte, on aura bien du mal à rester optimiste et envisager la moindre amélioration du système. Marisol, comme les autres avant elle, continue ici à ripoliner les structures vermoulues de l’édifice. Avec cette nouvelle couche de peinture, combien de temps pourra-t-il tenir ? Nul ne le sait, mais indubitablement, à moyen terme, ce système est foutu.
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