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les conséquences d'un rendez-vous galant

Publié le 30 septembre 2014 par Dubruel

d'après LA CHAMBRE 11 de Maupassant

C’est dans l’armée que Mme Jeanson

Cueillait ses amants.

Elle les gardait trois ans,

Le temps de leur séjour en garnison.

Elle n’avait pas d’amour, elle avait des sens.

Dès qu’un nouveau régiment arrivait,

Elle prenait des renseignements

Sur les officiers de trente à quarante ans,

Car avant trente, on est parfois peu discret

Et après quarante, on faiblit souvent.

Après avoir distingué celui qui l’aimerait,

Elle donnait un bal. Elle invitait l’officier.

En valsant avec lui, elle le serrait…

Comme pour se donner.

(Les femmes devraient toujours user

De ce procédé

Pour nous annoncer

Leur besoin d’être aimée.

Cela éviterait perte de temps,

Paroles superfétatoires et compliments.

Mme Jeanson profitait

D’une tendre danse pour murmurer

À son cavalier :

-« Venez me retrouver

Mardi soir à neuf heures

À l’hôtel Les Trois-Sœurs.

Vous demanderez Mlle Cécile.

Je vous attendrai. Surtout, soyez en civil. »..

Depuis huit ans, en effet,

Elle louait à l’année,

Une nuit par semaine,

Le mardi, la chambre N° 11 des Trois-Sœurs

Voici le moyen parfait qu’elle employait :

Elle organisait en ville des réunions

De bienfaisance et de piété

Tous les mardis. Elle s’y rendait

Et…rapidement s’en absentait

Afin que son mari

N’ait aucun soupçon,

Elle lui annonçait au diner :

-« Ce soir, comme tous les mardis,

Je vais à l’Association. »

Et au dessert, elle le quittait.

Ensuite, elle empruntait

Une ruelle peu fréquentée.

Là, elle remplaçait

Son chapeau ou sa mantille

Par un bonnet blanc et nouait

À sa taille le tablier

Qu’elle avait caché dans son manchon..

Puis, elle enveloppait ses vêtements de ville

Dans un grand torchon

Et trottinait, guillerette, jusqu’à l’hôtel

Telle une bonne qui va faire une commission.

Qui donc aurait reconnu Mme Jeanson ?

Le patron des Trois-Sœurs, M. Darnel,

Eut été bien surpris

S’il avait appris

Que sa cliente était Mme Jeanson,

La femme du Premier Président Jeanson.

Voici comment un jour il sut la vérité :

La chambre 11 étant libre des mercredis

Aux lundis suivants

Darnel la louait aux clients

Qui avaient réservé

Pour l’une ou l’autre de ces nuits.

Tandis que le Premier Président

Était retenu à Paris jusqu’au jeudi

Mme Jeanson proposa à son amant :

-« Veux-tu me rejoindre aussi

Demain mercredi ici ?

Si tu arrives le premier, mon chéri,

Ne m’attends pas. Mets-toi au lit. »

Ils s’embrassèrent

Et se séparèrent.

Le lendemain, à midi, à l’hôtel les Trois-Sœurs,

Se présenta un voyageur.

Il se fit servir un copieux déjeuner

Très arrosé, prit un café,

Et un petit verre,

Ou plutôt trois verres.

Puis, se sentant barbouillé,

Il demanda à se reposer.

Ses autres chambres étant occupées,

Darnel lui a attribué

La chambre de Cécile. Mais à six heures,

N’ayant pas vu redescendre le voyageur,

Il monta en vitesse le réveiller.

Mais aussitôt, il redescendait, affolé :

-« Dis donc Léonore,

L’artiste de la chambre 11, il est mort ! »

Elle leva les bras :

-« Seigneur Dieu ! c’est-il le choléra ? »

-« Non, l’animal

A plutôt eu une congestion cérébrale,

Vu qu’il était noir comme la lie du vin. »

-« Va faire tes déclarations et ne parle point.

On l’emportera t’à la nuit pour ne pas être vus

..Et ni vu ni connu ! »

Or, comme convenu, à neuf heures,

Mme Jeanson pénétrait

Dans la chambre 11 des Trois-Sœurs.

Elle se dévêtit

Et comme son amant ne disait mot,

Et lui a demandé :

-« Dors-tu, mon gros ? »

Puis, elle courut au lit,

S’y glissa,

Et saisit à pleins bras

Le cadavre glacé.

En découvrant un visage inconnu.

Mme Jeanson frémit de la tête aux pieds

Elle poussa de terribles cris, et s’enfuit nue

Dans le couloir de l’hôtel tout en hurlant.

Un voisin, effaré, lui demanda :

-« Belle enfant,

Qu’est-ce qu’il y a ? »

Éperdue, elle balbutiait :

-« Dans…dans ma chambre…un macchabée ! »

Le commandant, son cher amant,

Gravissait l’escalier au même instant

Mme Jeanson se jeta sur lui en criant :

-« Sauvez-moi, Gontran,

Il y a un mort dans notre chambre, ici.

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Le capitaine de gendarmerie

Rendit très vite au couple sa liberté

Mais ne fut pas discret.

Le mois suivant,

M. le Premier Président Jeanson

Recevait un avancement…

…Et une nouvelle affectation.


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