Saint Laurent de Bertrand Bonello

Par Emidreamsup @Emidreamsup

Après le peintre William Turner, c’est au tour du couturier Yves Saint Laurent d’avoir son biopic… Impression de déjà-vu : il y a quelques mois, Jalil Lespert présentait, avec l’aval de Pierre Bergé, le film Yves Saint Laurent. Aujourd’hui, c’est à Bertrand Bonello de présenter dans le cadre de la Sélection Officielle son Saint Laurent avec Gaspard Ulliel dans le rôle titre.

Si une partie de la presse crie déjà au génie, on se permettra d’être beaucoup (mais alors beaucoup) moins enthousiaste.

Le film débute avec le couturier, de dos, s’enregistrant dans un hôtel sous le nom de M. Swann. Une fois dans sa chambre, il décroche le téléphone et commence à se confier au journaliste se trouvant à l’autre bout du fil. Fondu enchaîné et flashback… Le film va couvrir la carrière du génie de la Haute Couture de 1967 à sa mort et tout cela en 2h30.

Gaspard Ulliel, pas assez convaincant

Bonello n’a pas eu l’aval de Pierre Bergé pour ce film. On ne s’étonne donc pas de le voir traiter aussi crûment les multiples addictions qu’avaient Saint Laurent (alcool, drogue) ou de le voir légèrement tourné en ridicule quand il dévoile son côté capricieux ou enfant gâté (sa relation avec son chien ou la décoration de sa maison). Le cinéaste veut ainsi montrer l’humain derrière l’icône. Cela aurait pu fonctionner. Mais la peinture qu’il fait de l’artiste est telle, qu’on peut difficilement l’excuser ou l’apprécier. Le jeu de Gaspard Ulliel (actuellement égérie de Chanel – on notera le pied de nez), et même celui de ses partenaires, est pour beaucoup dans l’exaspération que provoquent les personnages. Alors que Léa Seydoux ou Aymeline Valade respectivement Loulou de la Falaise et Betty Catroux, servent uniquement de faire-valoir et se perdent dans le décor, que Louis Garrel en Jacques de Bascher est désigné comme le grand méchant de l’histoire, seul Jérémie Rennier s’en sort pas trop mal avec son interprétation de Bergé. Le côté exubérant de l’artiste est montré sous toutes les coutures à l’aide de nombreuses scènes de soirée, laissant finalement l’aspect Haute Couture de côté. Le public est le témoin de la longue descente aux enfers de Saint Laurent, qui apparaît tour à tour meurtri, faux-jeton, hypocrite, narcissique pour au final sombrer dans la folie.

Bertrand Bonello joue sur la temporalité en la déconstruisant. On passe d’une époque à l’autre. Il utilise le split-screen pour mettre en parallèle la grande Histoire avec la carrière du couturier (la scène présentant les collections de 1968 à 1971). Mais le tout demeure sans réel intérêt puisqu’on ne rentre jamais vraiment dans la tête du personnage. Ce film se veut pourtant ambitieux et surdimensionné, mais l’objectif n’est jamais atteint. On se contente d’effleurer. Ce qui est d’autant plus regrettable et étonnant quand on constate que derrière le scénario se cache Thomas Bigedain (De rouille et d’os). Pour beaucoup, Saint Laurent est un film radical. On est plutôt d’accord, mais pour confirmer qu’il est radicalement ennuyeux !

PUBLIE PREALABLEMENT SUR ENVRAK.FR