Le livre, servi par un style percutant et un réel sens de la formule, tient autant du pamphlet - un genre littéraire devenu fort rare en ces temps de consensus revendiqué - que de l’essai. Abandon d’un enseignement humaniste basé sur les fondamentaux (littérature, histoire géographie, mathématiques), dépréciation du Bac, dévalorisation d’enseignants sous-payés en début de carrière et que l’on peine à recruter, contenus plus idéologiques que pédagogiques des programmes (notamment en histoire), nivellement par le bas au nom de l’égalitarisme, coups régulièrement portés au principe de laïcité, coupes budgétaires, disparition programmée du système de notation et de la méritocratie, alignement sur la politique libérale européenne figurent à son menu.
Les responsables de cette incurie seraient, selon l’auteur, presque tous les ministres qui se succédèrent rue de Grenelle depuis le début des années 1970 - Vincent Peillon faisant ici l’objet d’une charge particulièrement virulente - et les pédagogues déconnectés de toute réalité de terrain, qualifiés de « spécialistes auto-proclamés les plus fourbus ».
Sans doute le propos de Jean-Paul Brighelli fera-t-il grincer beaucoup de dents ; sans doute aussi ce dernier sera-t-il traité de conservateur, voire de « réac ». Cependant, on ne peut guère nier l’étendue de l’échec scolaire actuel ; on peut aussi s’étonner avec lui que l’apprentissage de la lecture passe encore, au moins en partie, par la méthode globale alors que les meilleurs spécialistes de psychologie cognitive soulignent depuis des années son inadéquation et prônent un retour à la méthode syllabique. Les adversaires de cette dernière, qui la jugent réactionnaire et pensent qu’il vaut mieux comprendre qu’apprendre, peineront toutefois à expliquer pourquoi, dans des copies d’étudiants Bac+4 et Bac+5 formés à la méthode globale, se multiplient les fautes d’orthographe, lesquelles ne figurent pas dans celles d’étudiants francophones venus d’Afrique ou du Proche-Orient, régions du monde où l’enseignement syllabique reste en vigueur... J’en fais chaque année l’expérience, tout comme je décèle chaque année, en matière de culture générale, le désarroi dans le regard de mon auditoire lorsque je fais allusion à des concepts de Platon, de Nietzsche ou, plus simplement, aux 14 points de Wilson...
Le réquisitoire de l’auteur s’appuie sur des exemples concrets, des études et des statistiques. Lorsqu’il constate que le renoncement à l’élitisme républicain, loin de servir les élèves des milieux défavorisés, constitue pour eux un handicap supplémentaire, ou qu’il milite en faveur d’une « culture générale solide », on est fortement tenté de l’approuver. En revanche, certains des arguments qu’il développe dérouteront volontiers le lecteur. Ainsi, lorsqu’il fait grief à Geneviève Fiorasso d’avoir autorisé de dispenser des cours en anglais à l’Université ou qu’il critique l’apprentissage de l’informatique à l’école - deux disciplines aujourd’hui indispensables pour répondre aux défis de la mondialisation - on ne le suit plus guère.
Certains commentateurs ont reproché à Jean-Paul Brighelli d’avoir avoué se trouver en phase avec une grande partie du programme du Front National en matière d’éducation. « Si désormais le FN est le seul à poser les bonnes questions et à avancer des réponses crédibles, "ce n’est pas ma faute" », se défend-il. Il est vrai qu’actuellement, seuls le FN et les associations familiales intégristes proches de « La Manif pour tous » semblent réclamer ouvertement l’adoption de la méthode syllabique et un retour aux fondamentaux, dans une volonté de rupture avec des expérimentations dont il faut reconnaître qu’elles furent peu couronnées de succès. De quoi inquiéter ceux qui demeurent attachés à l’école laïque et républicaine.