Après l’histoire du parrain de la soul music, cette semaine on a droit à celle de l’homme qui a révolutionné la mode dans le film de Bertrand Bonello, Saint Laurent (Europacorp Distribution).
Synopsis : 1967-1976, la rencontre de l’un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre. Aucun des deux n’en sortira intact.
#AVIS : C’est d’une façon très laconique que le réalisateur de L’Apollonide : souvenirs de la maison close (2011) a choisi de présenter ce qui pour lui n’est pas réellement un biopic ou du moins dans le sens commun où on l’entend. En effet, il se défend de ne faire que retracer la vie du créateur de la fameuse robe Mondrian, celui qui a glissé pour la pour la première fois une femme dans un smoking, démocratisé la saharienne et fait défilé les premiers mannequins noirs sur les podiums de Paris. Un grand couturier révolutionnaire qui a déjà fait l’objet de nombreux documentaires et qui a été le sujet deux films cette année. Difficile de ne pas céder à l’envie de comparer les deux tant il y a eu du buzz autour. Il s’agit de deux projets diamétralement opposés, de la conception à la réalisation.
D’un côté, le Yves Saint Laurent de Jalil Lespert sorti en début d’année, qui a été adoubé par l’ancien compagnon du maître du tailleur pantalon, Pierre Bergé, et de l’autre le Saint Laurent dont la sortie a été repoussée, sélection au Festival de Cannes oblige, sur lequel ce dernier n’a pas hésité à cracher.
Différence de trajectoire également pour les réalisateurs . Jalil Lespert, ancien acteur jusque là associé à un cinéma dit social (Le petit lieutenant, César du meilleur espoir masculin pour son rôle de Franck dans Ressources humaines), change d’univers et demande l’autorisation à Pierre Bergé qui lui donne un pass all accès sur la maison de couture. S’en suit un virage presque Bling Bling, avec chose très rare au cinéma, le logo YSL plaqué sur l’afiche.
Bertrand Bonello quant à lui, compositeur de formation, jusque là réalisateur de films sur un monde particulier (Le pornographe) est contacté par un duo de producteurs, Eric et Nicolas Altmayer pour réaliser le film, défi qu’il accepte uniquement sous conditions.
Est-ce la peur de son univers particulier, un besoin de contrôle sur l’image du créateur décédé ou l’orgueil froissé de n’avoir pas été approché qui qui a valu au réalisateur d’être ainsi vilipendé par Pierre Bergé ? Toujours est-il que son travail de reconstruction a été nettement plus compliqué puisqu’il s’est heurté à de nombreuses portes fermées.
De plus, alors que le premier film s’étale sur toute la vie du grand homme à lunettes, mettant l’accent sur ses moments sombres arrosées de poudre blanche, Bertand Bonello fait le choix de se concentrer sur une période de sa vie, une décennie, non pas pour montrer comment il est devenu l’un des premiers créateurs rock star mais montrer ce que ça lui a coûté. Il met aussi en lumière l’histoire d’amour peu connue entre M. Saint Laurent et Jacques de Bascher, son amoureux du moment, incarné par le mystérieux Louis Garrel.
Alors quelle version allez vous préférer ? Êtes vous Gaspard Ulliel, séduisant jeune homme à la fossette, dont beaucoup se souviennent grâce à la pub de Chanel réalisé par Martin Scorsese ou Pierre Niney, de la Comédie Française au physique plus particulier ? Guillaume Gallienne ou Jérémie Renier dans le rôle de l’irascible Pierre Bergé ? Ou encore Laura Smet, fille torturée de à Léa Seydoux, actrice avec le vent en poupe dans le rôle de Loulou de la Falaise ? Aymeline Valade ou Marie de Villepin pour jouer Betty Catroux ?
Il est ironique de constater que c’est le film de Jalil Lespert qui a reçu la mention show off et que celui de Bertrand Bonello la mention arty alors qu’ il est produit par Europacorp de Luc Besson, producteur estampillé à tort grand public et dont on oublie facilement le côté innovateur et le génie créatif…