Afin de lutter contre ce désintérêt massif, les institutions qui les commercialisent se mettent progressivement à adopter des approches ludiques, combinant éducation et jeu dans le but de sensibiliser les consommateurs au défi de leur retraite, qu'elle soit toute proche ou fort éloignée de leurs préoccupations quotidiennes. La canadienne « Financière Sun Life » a fait ce choix, avec son titre « EnJeu Épargne » (ou « Money Up », en anglais), dont elle publiait il y a peu quelques résultats, plutôt positifs.
L'initiative dont il est question n'a pourtant rien d'extraordinaire, en apparence… Destiné aux employés inscrits à un programme de pension de Sun Life par l'intermédiaire de leur employeur, le jeu consiste en un ensemble de « missions », de plus en plus complexes mais toujours faisables, au cours desquelles l'utilisateur découvre des informations sur les placements et la planification de leur retraite. L'acquisition des connaissances est simplement consolidée avec des questionnaires à la fin de chaque niveau réalisé.
La cible principale de Sun Life étant celles des Générations Y (les jeunes nés après 1980), quelques composantes de la solution leur sont particulièrement dédiées : l'intégration avec les réseaux sociaux (Facebook et Twitter) – pour le partage des scores et l'émulation entre amis – fait ainsi partie des options incontournables. Plus subtilement, le jeu tente aussi de maintenir la motivation en introduisant, entre autres, des réactions fréquentes (sur les actions entreprises), un suivi continu des progrès accomplis…
EnJeu Épargne est conçu à la fois pour stimuler la prise de conscience de l'importance de s'occuper de sa retraite le plus tôt possible mais également pour éclairer un fonctionnement des dispositifs existants qui peut être difficile à appréhender. Avec 11 000 joueurs conquis depuis la fin de l'année, ce qui ne paraît pas représenter un chiffre très élevé, il semblerait que la première partie de l'équation soit difficile à résoudre, même si Sun Life s'affirme satisfaite de ce niveau de fréquentation.
En revanche, l'engagement de ces utilisateurs est plus susceptible d'attirer l'attention. Tout d'abord, les 100 000 missions accomplies démontrent une forte adhésion, qui se traduit directement en impacts commerciaux : un tiers de ceux qui ont achevé le premier niveau ont augmenté leurs cotisations (dans des proportions impressionnantes, atteignant +74% en moyenne) ou souscrit un nouveau produit. D'autre part, le ciblage est également réussi puisque les 33% de Générations Y séduits ont été les plus actifs (à 44% de nouveaux investissements).
La preuve est donc faite : la ludification produit les effets attendus, même dans des conditions de mise en œuvre imparfaites (en l'occurrence un modèle de jeu un peu simpliste qui est probablement à l'origine du – à mon avis – faible nombre de participants). Rien de très surprenant à ce constat, en réalité, car la pédagogie est indispensable lorsqu'il s'agit d'exposer les vertus de produits financiers plus ou moins complexes (qu'un conseiller n'est d'ailleurs pas toujours en position d'expliquer clairement).