Bon, bon, bon. Un roman graphique qui donne dans l’autofiction avec un dessin digne d’une gamine de cinq ans, j’avais de quoi me réjouir à l’avance et me préparer à un dézingage en règle. Quand en plus la 4ème de couv m’apprend que tout cela est tiré d’un blog comptant 72 millions de visites, que son auteure, une américaine de vingt-cinq ans, a 500 000 fans sur Facebook et que le bouquin a été élu meilleur livre d’humour de l’année, Prix des libraires et best-seller du New York Times, je me dis que tous les ingrédients sont réunis pour que je déteste ce que je vais lire.
Premier chapitre, elle revient sur quelques souvenirs d’enfance. Une gamine un peu étrange, qui consomme de la crème pour le visage comme on mange une glace, qui a des amis imaginaires morts, se balade constamment à poil et aime tellement les chiens qu’elle se comporte comme eux. Ok, c’est bien amené et je n’ai pu éviter quelques sourires. Le second chapitre est d’ailleurs consacré au meilleur ami de l’homme. Des chiens, elle en a deux. L’un est totalement crétin (elle va d’ailleurs lui faire passer un test de QI dont les résultats parleront d’eux-mêmes…) et l’autre a tout du psychopathe. Là, j’ai franchement ri. Puis Allie se met à parler de son présent. Sa procrastination chronique, son incapacité à se comporter comme une adulte, ses angoisses existentielles, sa quête d’identité. Et sa dépression. Là on ne rigole plus vraiment.
Pour autant, pas question de sortir les mouchoirs. C’est là que la différence avec les autofictions graphiques que j’ai pu lire précédemment est la plus marquante. Allie Brosh affronte ses névroses avec humour et légèreté, avec une forme de désinvolture qui fait mouche. Ça ne l’empêche pas d’avoir de vraies réflexions profondes sur le mal qui la ronge, mais elle n’en rajoute pas des caisses et c’est franchement agréable. Du coup, on a envie d’écouter sa confession, on se sent moins voyeur et on est davantage touché.
Conclusion, alors que j’étais prêt à sortir les couteaux et à jouer les méchants, je dois bien reconnaître que tu m’as eu, Allie. Bon, tu dessines comme une patate, c’est indiscutable, mais tu as un vrai don pour l’autodérision. Il est devenu tellement rare de tomber sur des gens qui abordent des sujets graves sans se prendre au sérieux que je ne peux que te remercier pour ta fraîcheur revigorante. Hyperbole d’Allie Brosh. Les arènes, 2014. 310 pages. 20,80 euros.