En ce début de l’année 1774, Venise est en effervescence, et un parfum de complot et de rébellion flotte sur le ville en plein carnaval.
Pour une fois, ce ne sont pas quelques patriciens qui souhaitent se rebeller contre le doge en place, Alvise Giovanni Mocenigo.
Non, la conspiration est bien internationale, et les polonais, les français, sont alliés aux vénitiens et aux opposants russe de Catherine II de Russie, et au centre de cette agitation politique, se trouve une étrange jeune femme.
On voit apparaître ce personnage vers 1772 à Paris. Elle porte alors le nom d’Aly Emetey, Princesse de Vlodomir. Elle dit être née de parents inconnus d’elle, et avoir été élevée en Allemagne puis en envoyée en Perse. A Ispahan, un Prince lui aurait révélé sa noble identité et l’aurait convaincue de revenir en Europe à la conquête de son destin. Entourée d’intrigants elle mène grand train à Paris, Londres ou Berlin. Elle commence alors à raconter que l’impératrice russe Elisabeth morte depuis 1761 est sa mère et se fait alors appeler Elisabeta Alekseïevna Tarakanova. Séduisante, elle rallie à sa cause un certain nombre de personnages comme le comte polonais Michał Kazimierz Ogiński, Grand Général de Lithuanie, et le comte de Rochefort Valcourt qui s’éprennent follement d’elle.
La Tarakanova compte de plus en plus de partisans et défenseurs de sa cause au fil des années, ces derniers étant prêts à l’aider par haine de la tsarine régnante Catherine II. Elle se trouve par ailleurs dans un contexte politique favorable. À cette époque aussi, les Polonais exilés depuis le partage de leur patrie en 1772 complotent contre la Russie. Ils voient en cette jeune femme le moyen de destituer Catherine, qu’ils haïssent car elle dirige d’une main de fer une partie de leur pays. Ne pouvant assassiner l’impératrice sous peine d’être discrédités sur la scène internationale, ils préfèrent soutenir une prétendante au trône, en l’occurrence la Tarakanova. L’un d’eux, le prince Nicolaï Charles Radziwiłł, entre en relation avec elle.
En ce début d’année 1774 donc, en pleine période de Carnaval, Elisabeta Tarakanova est à Venise, sous le nom d’emprunt comtesse Pinneberg. Pendant sa courte existence aventureuse, cette jeune femme eu beaucoup d’identités différentes, dont : Fräulein Frank, Lady Shelley, Madame Scholl, Madame de la Trémoille, Kniaguinia Vladimirskaïa (princesse de Vladimir) ou encore princesse d’Azov. Elle loge à l’ambassade de France et mène grand train. Les vénitiens se pressent autour du bâtiment, d’autant plus que la princesse, qui aime Venise, passe beaucoup de temps à sa fenêtre, admire les gondoles et les beaux et jeunes gondoliers.
La jeune princesse raffole d’un met qu’elle a découvert dans la lagune : le risotto avec des moules et des fruits de mer.
Elle est traitée dans les salons mondains comme une personne d’une extrême importance, une possible tsarine. Elle a autour d’elle toute une cour qui s’abandonne, en pleine période de carnaval, dans des fêtes ruineuses la nuit, et dans des conspirations politiques le jour. Le compte Pototskiy, la comtesse Theophne Moravskaya, le prince Nicolaï Charles Radziwiłł, entre temps ruiné par la tsarine Ekaterina, qui l’avait fait mettre hors la loi, et confisquer ses biens immenses, qui montaient à plus de 5 millions de revenu. Un certain Tcharnomskiy, qui servait Radziwiłł, devait trouver de l’argent pour organiser un voyage auprès du sultan, dans le but l’organiser une insu rection. Il tentait d’emprunter, mais en réalité il mendiait.
A cause de l’humidité, elle est tombée malade, elle toussait beaucoup. Le docteur, qui l’a alors examinée, n’a pas trouvé de maladie grave et a simplement prescrit du repos. On lui a alors présenté un anglais, Sir Edward Wortley Montagu qui avait été ambassadeur auprès de l’Empire Ottoman. Il est venu la voir, un jour,en costume oriental en disant que c’était un costume turc. Il lui a donné les lettres de sa mère, l’écrivain Lady Mary Wortley Montagu, où elle décrivait les saunas turcs où les dames turques l’avaient invitée, étant devenue la seule femme européenne de son temps à avoir visité un harem. Tarakanova enviait Lady Mary car elle ne devait pas se cacher, ni cacher sa véritable identité. Tarakanova était fatiguée, cil lui semblait qu’elle était née comme une poupée, déjà grande dame.
Pour revenir en Russie et prendre le trône, elle avait besoin de soutient, de l’armée, d’argent.
A Venise, on lui présenta deux turcs. Radziwiłł pensait qu’il fallait s’adresser au sultan pour avoir de l’aide ( qui aiderait volontiers la vraie fille de l’impératrice défunte ) Cette préparation pour le voyage à Istamboul était tellement séduisante. Le comte Pototzkiy, la comtesse Moravskaya, le Sir Edward iraient avec elle à Istamboul. Le banquier Martinelli a donné de l’argent pour ce voyage.
Le jour du départ, une foule de vénitiens a entouré le palazzo où se trouvait la résidence de l’ambassadeur de France. Tout le monde voulait voir cette princesse russe mystérieuse avant son départ. En attendant les gens achetaient des gnocchi, des boissons. Quelques gondoles virent devant le palais, le compte Radziwiłł et la comtesse Moravskaya prirent place dans une des gondoles. Enfin la comtesse Pinneberg (La Tarakanova) est sortie du palazzo. Tout le monde savait que c’était une princesse russe, héritière du trône russe, dans sa robe bleue, et un petit chapeau. Les gens la saluaient avec des "VIVA", elle a pris place dans la gondole principale pour aller au port de Malamocco.
La suite de l’histoire est un drame.
Catherine ne peut supporter davantage pareil affront et décide de la ramener en Russie par n’importe quel moyen. Elle met donc au point une machination avec Alexis Orlov, commandant de la flotte russe en Méditerranée. Ce dernier fait courir le bruit qu’il est en disgrâce à Saint-Pétersbourg et la Tarakanova, toujours à la recherche de nouveaux appuis, lui envoie une missive où elle lui explique sa filiation avec la tsarine morte.
La flotte russe se trouve à Livourne ; Orlov propose donc de faire sa connaissance. Il lui jure par la suite qu’il l’aidera à accéder au pouvoir et la demande en mariage. La cérémonie doit se dérouler, quelque temps plus tard, sur le bateau d’Orlov, c’est-à-dire en territoire russe. Mais à peine montée sur le navire dans sa robe de mariée, la princesse est mise aux arrêts et emmenée par celui qui l’a trahie à Saint-Pétersbourg, où elle est interrogée. L’interrogatoire est mené par le grand chancelier Galitsine.
La Tarakanova lui donne la même version des faits dans l’espoir qu’on la libérera. Cette obstination lui est hélas fatale car elle est emprisonnée au sein de la forteresse Pierre-et-Paul, à Saint-Pétersbourg, dans des geôles sous le niveau de la mer qui n’ont rien à envier à celles des Puits de Venise, et qui se remplissent d’eau à chaque marée.
G. Serdioukov. Portrait d’une inconnue. Selon le propriétaire de la peinture PF Simpson, portrait de la princesse Tarakanova
Peu à peu, sa santé décline. Galitsine lui-même s’en émeut et demande à l’impératrice d’adoucir le sort de sa prisonnière, en vain. Elle finit par succomber de la tuberculose le 4 décembre 1775.
Ce tableau peint en 1864 par Constantin Flavitski représente la légende selon laquelle la princesse Tarakanova fut tuée dans une inondation en 1777.
Cette tragédie de l’histoire de Catherine la Rouge, la tsarine arrivée au pouvoir après avoir assassiné son mari, a servi de prétexte à plusieurs livres et des films.
Une comédie dramatique de 1929
Réalisation de Raymond Bernard
Scénario de André Lang et Ladislao Vajda
Directeur de la photographie Jules Kruger
Musique de André Roubaud
avec Camille Bert, Charles Lamy, Paule Andral, Antonin Artaud, Ernest Ferny, Andrew Brunelle, Edith Jehanne, Olaf Fjord, Rudolf Klein-Rogge…
Princess Tarakanova (Knyazhna Tarakanova) produit par Pathe en Russia, en 1910, dirigé par Kai Hansen et Maurice Maitre…