Chronique de l’ABIDJANIE: Prélude.

Publié le 29 septembre 2014 par Maybachcarter

J’ai beaucoup repoussé l’écriture de ce post. Tout d’abord, bien évidemment, parce que j’étais occupée. Mais aussi, quelque part, parce que je ne savais pas par où commencer à vrai dire. Ce qui, dans l’absolu, est un comble pour quelqu’un d’aussi bavard que moi. Comment commencer pour expliquer que j’ai drastiquement changé de vie en.. un mois ? On va remonter un peu en arrière.

Quand j’étais encore à Paris, l’idée de rentrer m’installer sur le continent africain n’a pas toujours été une évidence pour moi au début, je l’avoue. Ça a été un véritablement cheminement, fortement influencé par mes ambitions professionnelles à 99,99%. Encore adolescente, je rêvais de New York, de mode, de défilés. Je crois que la lecture du Diable s’habille en Prada combinée à mon abonnement à VOGUE et L’Officiel ont très fortement alimenté mon imaginaire sur ce que je voulais faire, ce que je voulais être. Donc oui, à l’époque, je voulais vivre à New York. J’avais tout planifié, le bac, l’école de commerce, le stage, le départ. Ça allait également dans le sens de mes parents, tout le monde était content. Puis j’ai donc eu la saugrenue idée d’avoir un projet qui a complètement bouleversé mes plans, et sans exagérer, ma vie entière. Je ne vais pas re-rentrer dans les détails, j’ai l’impression d’avoir raconté cette histoire une centaine de fois déjà. Quoi qu’il en soit, au fur et à mesure du temps, mon curseur s’est déplacé. Finalement, j’ai vécu quelques temps à New York et je suis rentrée de là-bas avec une conviction: je ne me voyais pas y vivre. Tout le temps que j’y ai passé, ma tête était ailleurs. C’est vrai que je n’ai pas fait particulièrement d’efforts pour rendre mon séjour ultra agréable donc ça biaise mon jugement, mais toujours est-il que.. je ne me voyais pas vivre ni évoluer dans cet environnement là.

Puis aussi, les articles sur les success stories de ceux qui sont rentrés ont commencé à se multiplier, sans compter les nombreux amis et connaissances qui quittaient la région parisienne pour leur pays d’origine ou tenter l’aventure ailleurs (Dubaï notamment). J’ai donc commencé à réfléchir à mon propre sort. C’est difficile de se projeter avec exactitude sur 10 ans quand on n’arrive à peine à concevoir ce qu’on aura/fera le mois d’après… et j’étais dans cette case-là. Mon projet, qui avait porté toutes mes espérances, commençait à… comment dire… me peser. Je n’ai pas honte de le dire, ça ne signifie pas que je l’aimais moins ou que je le reniais. Mais juste que ma fenêtre de tir devenait dangereusement étroite. Ma réflexion a duré à peu près un an, le temps de voir, comme on dit.. « Je ne veux pas partir tout de suite », mais je trainais quand même beaucoup sur les sites de recrutement africains. « C’est pas pour maintenant », mais je passais des nuits entières à lire des témoignages d’expatriés. Je me mentais, et je le savais, et je continuais quand même à jouer à cache-cache. J’ai même à un moment donné enterré l’idée.. avant qu’aux environs de novembre 2013, un truc me tombe dessus.

Avec le recul maintenant, je peux le dire. Le truc en question a été un « turning point ». Un de ces moments où l’on bascule dans d’autres réalités. Le soir où ça s’est produit, ma première réaction a d’abord été nerveuse. J’ai commencé à pleurer.. sans m’arrêter. J’essayais de me contenir mais je crois que les vannes venaient d’être ouvertes, 5 à 6 ans de choses que j’avais étouffé sont sorties tout d’un coup. Les larmes coulaient à n’en plus finir. Maintenant que j’y repense, c’était vraiment très étrange comme expérience (d’un point de vue physiologique) mais bref, j’ai cessé d’essayer de combattre, ai attendu que mon corps finisse de manifester ce qu’il avait à dire, et je suis allée me coucher. La deuxième réaction a été de faire un point général sur où j’en étais à tous les étages… un bon gros Reality Check, quoi. Qui plus est, ça tombait avec la fin de l’année, les prises de résolution et autres. Est-ce que 2014 allait encore être une année où j’avance en m’appuyant uniquement sur ma capacité à bosser à fond et l’espoir que ça finisse par payer ? Puis j’ai pensé à une phrase que m’avait dit une amie: « N’attends pas de vivre ». J’ai fait une fixation là-dessus. Est-ce qu’à me mettre en parenthèse pendant autant de temps ça n’a eu que de bons côtés ? La réponse est non. J’ai mis du temps à ouvrir les yeux sur ce que j’ai raté/négligé pendant tout ce temps, mais sans mentir, quand je l’ai fait, c’était loin d’être drôle..

Ceci dit. J’ai vite dégagé l’option de l’auto-flagelation, ce n’est pas productif. Il fallait autre chose. J’avais perdu en créativité, je faisais les choses par automatisme et non par conviction.. bref, il fallait autre chose. C’est là que l’idée du départ a refait surface. J’ai donc décidé de prendre toute l’année 2014 pour me préparer tranquillement, le temps de tout mettre en ordre. Je ne voulais pas partir par mimétisme ou par caprice, j’avais BESOIN de partir. Peu importe comment je l’écris, je pense que personne à part moi ne peut comprendre la notion de besoin qu’il y avait dedans. Faudrait que je détaille trop de choses et franchement, je ne compte pas le faire sur les internets. D’un point de vue créatif, j’étouffais littéralement à Paris. J’avais besoin d’air, de nouveauté, d’avoir l’oeil neuf sur ce qui m’entoure, de sortir d’une routine qui était en train de me consumer de bout en bout. Et puis, autant être franche, j’en avais marre de devoir me coltiner certaines personnes/ambiances.

« Be careful what you’re wishing for ».

Au début de l’été, je me suis retrouvée devant deux offres: une à Lagos et l’autre à Abidjan. L’envie de partir devenait tellement urgente que j’étais prête à sauter dans l’avion au premier des deux qui signait. Du moins, je croyais être prête. J’ai quitté Paris en 3 semaines chrono. A peine le temps de faire mes valises, dire au revoir à mes proches, et j’étais à Roissy. Je ne connaissais ni Abidjan, ni la Côte d’Ivoire. Je ne connaissais que 3 à 4 personnes maxi sur place.. mais QU’EST-CE QUE JE SUIS EN TRAIN DE FAIRE ? Je me suis posée la question pendant la phase de décollage et j’ai fini par baisser le hublot parce que sinon, j’allais probablement crier qu’on arrête tout et me laisse redescendre.

Fast Forward, un mois et demi plus tard…

Je sens que je reprend des couleurs, de la joie de vivre. Il y a tant à dire sur Abidjan. Un rien m’amuse, le quotidien des gens, les accents, les anecdotes, les chauffeurs de taxis, la mixité.. la ville est moins complexe que je ne le croyais. Tout est nouveau pour moi, mais pas inaccessible. J’essaie de me répéter que je viens à peine d’arriver, et que pour quelqu’un qui ne connaissait pas le pays, je m’en sors déjà pas mal. Parfois, j’ai l’impression qu’il faut que je me rappelle que désormais, je vis ici. C’est mon CHEZ MOI. Je ne suis pas en transition ou de passage. Que je me détache de l’autre côté (bon, ça c’est déjà fait ou presque lol). Donc je navigue dans une sorte d’espace intermédiaire comme ça, le temps d’acclimatation je suppose. Quoi qu’il en soit. J’ai donc changé de vie, mais pas d’ambitions. Bien au contraire. Ce « break » est complètement le ressort dont j’avais besoin pour redémarrer autrement, voir les choses d’un autre angle, changer d’approche. Mais je ne suis pas nostalgique pour un sou. Bien sûr, ma famille me manque, j’aurais voulu fêter mon anniversaire avec eux, mais j’apprends à vraiment modérer mes plaintes.. C’est déjà une énorme chance que j’ai eu l’opportunité de switcher aussi rapidement et en très peu de temps (et dans de bonnes conditions). Je ne pouvais pas non plus avoir ma famille sur place et autres amis, n’exagérons rien. Et à vrai dire même, ne pas avoir de cercle de proches très important pour le moment, ça me va très bien. Je réapprends à dealer avec les bons côtés de la solitude, comme fumer sa cigarette tard le soir au balcon alors que le vent du lac Ébrié souffle et que les lumières de la ville scintillent. C’est peut-être bête et insignifiant mais ce genre de petits moments de bonheur, c’est donc de ça que j’avais besoin. Souffler un peu, je pense l’avoir mérité. J’étais déjà trop nerveusement usée. Ça m’a pris du temps de l’admettre, puis de réfléchir de manière dé-passionnée et d’enfin sauter le pas. Mais j’ai une certitude maintenant que je suis ici: que ça se passe bien ou moins bien, dans tous les cas, je ne souhaite pour rien au monde rentrer vivre à Paris.

I guess you now have the big picture. Pour ce qui est de la vie abidjanaise en tant que telle, ça fera l’affaire de mon prochain article.