Sarkozy revient, et la cote sondagière de Hollande remonte un peu. Les éditocrates du pays savourent et imposent le feuilleton. Pourtant, Sarkozy déçoit. Il revient en ressassant, comme un Giscard qui n'a pas digéré. Il ne réagit à rien de l'actualité réelle - des ineffables propositions du MEDEF aux tensions internationales.
Un otage français est décapité par une poignée de terroristes se réclamant de Daesh. Il fallait oublier le retour de Sarko. L'espace politique de l'ancien monarque est de toutes façons largement occupé par d'autres.
Le Sarkozy d'après ?En voyage en Allemagne, il s'agenouille devant Angela Merkel. Il sourit beaucoup. Il est ravi des convergences politiques évidentes. Ensuite, il se fait chaleureusement applaudir par les adhérents de l'organisation patronale locale. Il répète son "j'aime l'entreprise". Il loue Gerardt Schröder et ses réformes de dérégulation du marché du travail il y a 10 ans. Il enthousiasme la presse conservatrice locale.
Il est premier ministre d'un gouvernement socialiste. Manuel Valls est un homme heureux.
De retour à Paris, il met la pression sur la direction d'Air France. Dix jours, bientôt 15, que les pilotes sont en grève, paralysant l'entreprise contre un projet non négocié de réduction des statuts au bénéfice de la filiale low-cost. "Cette grève est insupportable" s'exclame-t-il.
Mardi, le MEDEF confirme ses propositions, fuitées la semaine précédente, pour "relancer" une économie qui ne re-démarre pas: création d'un sous-SMIC ("un salaire transitoire d'accès à l'emploi, destiné aux populations très éloignées de l'emploi"), révision des seuils de représentation des salariés dans les entreprises, libéralisation du travail le dimanche, etc. Cette saillie ultra-libérale irrite jusque dans les rangs du gouvernement.
En clôture du congrès de l'Union sociale pour l'habitat, il réclame davantage de constructions. Mais il souligne que l'Etat ne peut pas faire davantage. Il rappelle les efforts déjà votés - le renforcement des sanctions pour non respect des 25 % de logements sociaux, la mise à disposition de terrains publics, la réduction du taux de TVA à 5,5 %, le maintien d’une exonération de 25 % de la taxe foncière pour le logement social. Mais ce sera tout.
Dimanche, le Sénat repasse à droite.
Qui s'en étonne ?
Le Revenant
Dimanche soir, Nicolas Sarkozy tente de marquer les esprits par une trop longue interview sur France 2. C'est "son" moment, 127 semaines qu'il attendait cela, revenir dans le jeu politique et tacler l'infâme "président normal" qui lui a volé sa victoire.
En 2012, Hollande avait "giscardisé" Sarkozy.
Moins de deux ans plus tard, le cauchemar continue. Sarkozy revient, mais obsolète. Dimanche soir sur France 2, il trébuche. A force de "changer", il semble revenu à son propre point de départ. Il n'annonce rien, en 40 minutes de show réservé. Les curieux sont nombreux pour ce faux "Rising Star" de la real-politik, Sarkozy rassemble plus de 8 millions de téléspectateurs.
Mercredi, Paris Match publie un trop long reportage sur le retour de l'ancien monarque, les coulisses de sa préparation. Une photo le montre entouré de son "nouveau" premier cercle: Péchenard, Wauquiez, Hortefeux, Darmanin, Estrosi et Kosciusko-Morizet.
Le retour de Sarko réactive quelques anciens réflexes à gauche.
Jeudi 25 septembre, Nicolas Sarkozy donne son premier meeting. Il est sur l'estrade, face à un public acquis, des ultra-fans et une meute de journalistes curieux et ravis. Il râle, il fustige, il critique. Il a la rage, il a la haine. Comme avant, la transparence de son hypocrisie est presque touchante quand il confie combien il a besoin d'Alain Juppé (qu'il menaçait de mort en politique devant quelques témoins en coulisses). Ou qu'il applaudit François Fillon lequel le lui rend bien en rancoeurs explicites depuis quelques mois déjà. Nicolas Sarkozy n'a pas changé, son programme se confond avec sa carrière. Ses slogans restent des approximations. Sur les réseaux sociaux, on ironise, on se moque, on rigole.
Il a choisi le Nord, l'un de ses départements frappés par la crise. Le symbole est beau, mais faux. Lambersart est la 19ème ville française qui paie le plus d'ISF en France.
La véritable surprise n'était pas là. Malgré 127 semaines à "beaucoup voyager" comme il aime à le rappeler, à beaucoup réfléchir, Nicolas Sarkozy revient sans idées nouvelles ni leçons du passé. Il ressort quelques maigres extraits de son programme de réélection de 2012: il faudrait travailler plus pour gagner plus (malgré nos près de 6 millions de demandeurs d'emploi); il adore le gaz de schiste (rappelez-vous,"l'environnement, ça commence à bien faire" disait-il déjà en 2010); il veut multiplier les référendums (puisque les corps intermédiaires, ça gêne); il veut remettre en cause l'espace Schengen et l'aide médicale d'Etat aux étrangers; il en appelle au référendum contre les "corps intermédiaires".
La déception
Au sortir du meeting, les avis médiatiques sont unanimes: Sarkozy rabâche de vieilles formules d'avant. "J'ose le mot, j'ose le dire." "C’est tellement gros qu’on n’y croit plus" lui rétorque un député UMP du coin.
Sarkozy est resté figé dans son propre passé.
Comme Giscard.
Ce meeting appelait une autre question, essentielle quand on connaît le parcours du bonhomme: qui avait payé l'organisation d'un tel rassemblement, quand on sait que Nicolas Sarkozy n'a aucun rôle ni statut à l'UMP pour cela ? L'Association des amis de Sarkozy, ce micro-parti créé dès l'été 2012, a visiblement des fonds. Un précédent meeting, organisé à Bordeaux l'an passé, fait l'objet d'une enquête. Les sympathisants sont bons princes. En 2013, ils avaient déjà remboursé pour 4 millions d'euros les frais de campagne invalidés par le Conseil constitutionnel. D'ailleurs, l'enquête sur le financement de cette campagne se poursuit. L'affaire Bygmalion n'a pas livré tous ses secrets. D'après les enquêteurs, Sarkozy a bénéficié en 2012 de 18,5 millions d'euros de fausse facturation par Bygmalion pour financer sa campagne.
L'amalgame
Cette séquence sarkozyste est asynchrone, ou indécente. Dimanche, un touriste français est kidnappé. La France bombarde le Califat islamique sur son flanc irakien, lequel appelle au meurtre de citoyens français. Deux jours plus tard, l'otage français est décapité - un choc immense dans le pays. La Droite furibarde plonge facilement dans l'amalgame. Laurent Fabius réclame qu'on cesse d'appeler "Etat islamique" le Califat barbare, pour éviter les amalgames. L'appelation "Daesh" surgit dans le vocabulaire de nos politiques.
A l'ONU, une résolution est adoptée à l'unanimité contre Daesh. Les témoignages d'exaction se poursuivent. A l'Assemblée nationale, l'unanimité est également de mise quand il s'agit de voter sur l'engagement militaire de la France. Seuls les élus du Front de gauche, qui soutiennent le soutien militaire aux opposants, protestent contre la participation à une coalition internationale dirigée par les Etats-Unis.
Vendredi, les drapeaux sont en berne pendant 3 jours.
Hollande rend hommage quand Sarkozy éructe sur une estrade.
Mais pourquoi faudrait-il accepter le feuilleton imposé d'un match-retour ?
C'est la fin.
Ami journaliste, ressaisis-toi.
Crédit illustration: DoZone Parody