d'après L’HÉRITAGE de Maupassant
À la grande porte du ministère,
Les employés arrivaient comme un flot.
Le père Savon, expéditionnaire,
Prit place dans son bureau.
Son voisin, le commis Cachelin,
Lui demanda comme tous les matins :
-« Eh bien, comment va madame ? »
-« Ne vous occupez pas de ma femme. »
On approchait du jour de l’an,
L’époque des avancements.
Cette question, depuis un mois,
Affolait la ruche des bureaucrates
Du rez-de-chaussée jusqu’au toit.
Cachelin, diplomate,
Reprit : -« Je parie vingt francs
Que vous serez chef avant un an.
Moi, je n’ai eu aucun avancement
Depuis cinq ans.
Mais j’en suis certain,
Cette année, j’en aurai un. »
À peine avait-il prononcé ces mots,
Que Cachelin, rempli d’audace,
Alla frapper à la porte du bureau
De son chef, François de Batz.
-« Entrez ! Asseyez-vous.
Que puis-je pour vous ? »
Le commis s’assit, prit un air troublé,
Toussota, et dit d’une voix mal assurée :
-« En cette fin d’année,
Je souhaiterais
Obtenir un avancement. J’ai pensé
Que vous pourriez m’aider… »
-« Mais, mon ami,
Je ne suis rien ici.
Je ne peux pas… »
-« Tra la la !
Vous avez l’oreille du directeur ;
Si vous vouliez prendre un quart d’heure
Pour lui expliquer que, dans deux ans,
J’aurais droit à la retraite…
Et si je n’obtiens rien à la fin de l’année,
Cela ne me fera que cinq cent francs…
Je sais bien qu’on répète :
’’Cachelin n’est pas gêné,
Sa sœur a un million.
Mais elle ne me donne pas un picaillon.
Cet argent, elle le réserve à ma fille.
Or, ma fille
Et moi, ça fait deux.
Quand mon gendre et ma fille
Rouleront carrosse, moi, je serai en guenille !
N’est-ce pas affreux
De n’avoir rien à se mettre sous la dent ?
Vous comprenez ma situation ? »
François de Batz opina du front :
-« Je comprends.
Comptez sur moi. Je vais en parler à M. Giffard »
-« Merci, monsieur ; je vous remercie. »
Huit jours plus tard,
M. de Batz adressait
À Cachelin un pli cacheté
Qui contenait ceci :
’’Je suis heureux de vous annoncer enfin
Que sur ma proposition
Le directeur a signé votre nomination
De commis principal. Vous recevrez demain
La notification officielle mais jusque-là,
Faites celui qui ne sait pas ? ’’
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Un an après,
La sœur de Cachelin décédait.
Pour l’ouverture du testament,
Dès le lendemain de l’enterrement,
Se présentaient chez maître Dury
Cachelin, sa fille et son mari.
Le notaire se leva et lut :
‘’Je soussignée,
Cachelin Marie-Jeanne Perpétue
Exprime ici mes dernières volontés.
Je laisse un million cent mille francs
Aux enfants
Qui naitront du mariage de ma nièce
Cachelin Coralie-Agnès
Avec jouissance des intérêts
À leurs parents
Jusqu’à la majorité
De l’aîné de leurs descendants.
Et dans le cas
Où Coralie n’aurait pas
De descendant