Ecoutez-les, ces habitués – ou non – des bistrots, à refaire
le monde autour d’un verre – ou de deux, ou de trois, etc. Ils ne sont pas
toujours dans la sagesse populaire, il leur arrive même de déraper sérieusement
(d’un sérieux rigolard). Mais qu’est-ce qu’ils parlent ! Jean-Marie Gourio
les écoute depuis l’époque où, à la fin des années soixante-dix, il travaillait
à Hara-Kiri. Les journées de la
rédaction étaient arrosées et joyeuses, les bons mots, volontaires ou non, fusaient.
Le premier qu’il a retenu, racontait-il mardi dans Libération, peut être attribué à son auteur, Bibi Poirier – il
appartenait à l’équipe lui aussi. Il a lâché : « Est-ce que tu crois qu’une plante carnivore peut devenir
végétarienne ? » Bonne question, non ? Et excellents débuts
pour une récolte d’une richesse inouïe, devenue collectivement anonyme. En 1987
sortait le premier volume de ses Brèves
de comptoir. Il y en a maintenant une quinzaine, vendus au total à 1,7
million d’exemplaires.Celui qui reparaît cette semaine au format de poche, Le Grand Café des Brèves de comptoir,
est le troisième tome des Nouvelles Brèves.
9 000 brèves. De la matière à entasser en vrac, comme elle vient,
comme elle rebondit sur les murs et dans les oreilles. Au moment où sort en
salles le film de Jean-Michel Ribes, Les
Brèves de comptoir, dix ans après la première adaptation théâtrale, on ne
se lasse pas de plonger, sans même avoir besoin de tenir un verre à la main,
dans ce tumulte qui part dans tous les sens.Et comment faire comprendre l’infinie variété de l’inspiration
qui y préside, sinon par quelques citations ? Voici, presque au hasard, un
début de florilège :« A force de nous
remettre toujours le passé devant, on aura le présent derrière. »« Le vrai
racisme, c’est contre les Noirs, les Arabes, les Juifs, contre les Grecs ça
sera pas vraiment du vrai racisme, ça sera du racisme moyen. »« La banquise
fond, ils nous disent ça maintenant, mais la glace, ça a toujours fondu. »« Le diable qui
sort de sa boîte, je sais pas en quoi elle est la boîte, mais faut que ça soit
solide. »« – Tu bois
un coup de blanc ? – Je peux pas boire le ventre vide… je vais
prendre une bière avant. »« La cuisine, c’est
visuel, mais faut quand même que ça soit bon. »« – C’est
quand la fin du monde ? – Le 21. – On est le combien ? – Le 16. – Je croyais que c’était
demain. – Samedi. – Tu seras ouvert toi ? »« Je vois pas
comment l’alcoolisme peut être une maladie alors que l’alcool n’est pas un
microbe. »« – À
choisir, je préfère un automne estival à un hiver printanier. – Moi quand
l’hiver est printanier, j’aime bien. – Non, pas l’hiver printanier, l’été
printanier, c’est bien, mieux qu’un printemps estival. – Ah oui, ça, c’est
trop. »« L’ère
glaciaire, même tes connards d’écolos, ils auraient rien pu faire. »Et, comme le dit l’auteur en conclusion : « Le Grand Café des Brèves de
comptoir ne fermera pas ce soir ».
Qui commande la tournée suivante ?