Shabazz Palaces fait exploser avec Lese Majesty les carcans du hip hop. Ishmael Butler alias Palaceer Lazaro, ancien membre de Digable Planets (crédité du Grammy Award de la meilleure performance rap en 1994) et Tendai Baba Maraire, fils de Dumisani Maraire (compositeur africain regretté), livrent un album totalement troublant définit par une liberté artistique sans limites. On se prosterne devant sa majesté s'il vous plaît.
Croisant les codes et les genres, d'une côte à l'autre, ce rap mêle aussi bien le tranchant nordique du Wu Tang Clan que l'humeur tout en flottaison, typique du soleil californien, Snoop Dog en ligne de mire dans l'horizon brulant, où se profile aussi la silhouette fuyante de Flying Lotus. Basés a Seattle ces deux ricains possèdent plus d'un tour dans leur sac. En atteste les 18 pistes prêtes à faire parler la poudre, structurant un objet à la cohérence artistique ahurissante, et déversant un torrent de bonnes ondes. Un laboratoire d'expériences dans lequel innovation et expérimentation sont les maîtres mots. Et quel résultat mes aïeux !
Par pure volonté de créer un objet musical dans sa globalité, Lese Majesty s'émancipe du schéma unilatéral du titre qui tue tout pour unifier sa chair dans une synthèse qui laisse pantois. Fait de multiples pistes n'excédant pas les deux minutes, ce disque se boit comme une série de shots, mais dont les délices se parsèment çà et là au travers de morceaux plus allongés et à l'emprunte forcément plus marquée.
Lese Majesty saura ainsi habilement séduire les deux camps d'un paysage sonore urbain unifié pour le meilleur. Au delà, Shabazz Palaces ne se contente pas de saluer un héritage déjà éprouvé et qui fait valoir l'éclosion de nouveaux pontes du genre tel que Joey Bada$$. Non le charme de ce disque s'éprouvera en filigrane, dans des textures sonores au synthétisme lattant et aspirant. L'art de jouer avec ce fil dénudé qu'est le vide sonore tient ici une place importante. Les harmonies s'y conçoivent de manière déstructurée, s'agrippant à l'oreille par des lianes mélodiques dont la résonance se veut toujours spatiale et atmosphérique.
Au final ce disque de rap expérimental rend à César ce qui lui appartient tout en dépassant le sceau de ce dernier. Une nouvelle marque semble se déposer dans l'univers du rap américain. Les rythmes déployés empruntent si bien des voies citadines qu'arboricoles, pour aboutir à un melting pot de sons dont l'agencement pourrait se revendiquer du bricolage d'un certain Richard. D. James (toutes proportions gardées). Un bien bel objet donc que ce Lese Majesty, pantin désarticulé qui fera tituber la scène hip hop, peu importe son hémisphère. Un crime de lèse majesté au parfum de révolution pour l'un des meilleurs disques de l'année, quelle que soit la préférence de vos goût et couleurs...
En Bref : Shabazz Palaces livre un avec Lese Majesty un disque qui abat de nombreuses lisières sonores. Expérimental et groovy, si bien hypnotisant que percutant, ces deux gars de Seattle portent le hip-hop dans une sphère rarement atteinte. A écouter d'urgence !
Lese Majesty en intégralité, le meilleur moyen de le savourer...