Depuis un an, François Hollande pulvérise régulièrement des records d’impopularité présidentielle qu’il avait lui-même établi. Les sondages l’érigent en Président français le moins soutenu par ses concitoyens, leurs chiffres ayant été cruellement confirmés par le verdict des urnes aux élections municipales et européennes. Coup de butoir porté au socialisme municipal aux premières, victoire inédite de l’extrême-droite à un scrutin national pour les secondes, défaite historique pour la gauche aux deux, la déception que les électeurs ont manifesté à l’égard du président est profonde. Ce mécontentement est patent dans le camp même du président, parmi ces électeurs qui l’avaient porté à l’Élysée en mai 2012.
Chacun imagine facilement qu’avec les chiffres que révèlent aujourd’hui les sondages de popularité, les électeurs du président se sont en grande partie détournés de celui auquel ils avaient accordé leurs suffrages. Au regard des 13 % des derniers baromètres de popularité (Ifop / JDD, Ipsos / Le Point, TNS Sofres / Le Figaro Magazine), les 28,63 % du candidat socialiste au premier tour de l’élection de 2012 apparaissent fort lointains.
L’impopularité à gauche est majoritaire depuis la fin de l’année 2013
Chez les sympathisants de gauche, la cote d’alerte est depuis longtemps dépassée. Depuis la fin de l’année dernière, le président de la République ne recueille plus qu’une minorité d’opinions positives parmi ceux qui avaient permis son élection. Selon les différentes questions et méthodologies utilisées par les instituts1, la fourchette va aujourd’hui de 25 % de jugements positifs chez les sympathisants de gauche (Ipsos / Le Point) à 45 % (LH2 / Le Nouvel Observateur). Chez tous les instituts, des records d’impopularité sont battus à gauche au mois de septembre (sauf CSA qui affichait une mesure légèrement plus négative en avril dernier).
Un précédent article sur l’évolution de la popularité de François Hollande auprès des sympathisants de gauche avait montré que cette érosion avait été rapide et continue, nourrie par la contestation d’une politique manquant de résultats concrets, en premier lieu sur le front économique. Cette baisse de popularité avait connu deux périodes d’accélération dans les dix-huit premiers mois du quinquennat : la première entre février et avril 2013, au moment de l’affaire Cahuzac ; et la deuxième à la rentrée 2013, marquée par plusieurs difficultés pour l’exécutif : l’affaire Leonarda, de très mauvais chiffres du chômage (notamment après un mois en trompe l’œil du fait du « bug SFR ») et de fortes contestations vis-à-vis de la réforme des rythmes scolaires. La suite de la courbe montre deux nouveaux « accidents » dans la pente vers l’impopularité, qui ont engendré une accélération de celle-ci.
Le premier intervient au deuxième trimestre 2014, dans une période rassemblant les deux échéances électorales de l’année, les élections municipales (23 et 30 mars) et les élections européennes (25 mai), mais également marquée par le changement de gouvernement et l’arrivée de Manuel Valls au poste de Premier ministre (31 mars). Cette modification de l’équipe gouvernementale ne profite pas le moins du monde au Président auprès des sympathisants de gauche : entre les mesures réalisées juste après la nomination de Manuel Valls et celles de septembre, le président de la République perd entre 9 et 15 points selon les baromètres. Malgré une légère remontée enregistrée juste avant l’été, le « fusible » du Premier ministre n’aura finalement pas fonctionné. Le limogeage de l’impopulaire Jean-Marc Ayrault ne donne aucune bouffée d’air à François Hollande, dont la cote de popularité replonge de nouveau très rapidement, et celle, beaucoup plus florissante, de Manuel Valls ne rejaillit pas sur celle du Président. Au contraire, l’impopularité de François Hollande infléchira très vite la cote de son Premier ministre, qui endosse une politique très contestée.
Les tout derniers sondages, réalisées à la fin du mois d’août et durant le mois de septembre, semblent dessiner une nouvelle accélération de la chute de popularité. Celle-ci dispose de causes facilement identifiées : le scandale de l’affaire Thévenoud et l’atteinte à l’image présidentielle que constitue le livre de Valérie Trierweiler avec, entre autres, le dévoilement de l’insultant « sans-dents ». Le nouveau changement de gouvernement, marqué par l’éviction d’Arnaud Montebourg, de Benoît Hamon et d’Aurélie Filippetti, semble participer également de cette nouvelle désaffection des sympathisants de gauche, qui s’ils ne sanctionnent la ligne politique qu’annonce ces changements, restent perplexes devant un nouveau virage qui renforce la vision, de plus en plus partagée, d’un pouvoir qui n’a pas de cap (aujourd’hui, seuls 13 % des Français estiment que François Hollande « sait où il va », 29 % des sympathisants de gauche).
Un décrochage moins violent est également intervenu entre janvier et février, juste après la conférence de presse du président où a été annoncée la clé de voûte de sa politique économique, le « pacte de responsabilité », moment également où se dresse le constat que la courbe du chômage ne s’était pas inversée en 2013, en dépit de la promesse présidentielle.
Un jugement particulièrement sévère parmi les sympathisants du Front de gauche et d’EELV
Parmi les sympathisants de gauche, ceux du Front de gauche apparaissent particulièrement critiques à l’égard du président de la République. Aujourd’hui, dans les différents baromètres de popularité, seuls de 14 % à 23 % d’entre eux portent encore un regard positif sur François Hollande. Le décrochage des sympathisants d’Europe Écologie – les Verts apparaît assez comparable (de 10 % à 24 % d’opinions favorables dans les différents baromètres). Tous deux sont intervenus très tôt, les opinions positives étant passées sous la barre des 50 % depuis la fin de l’année 2012 dans le baromètre de TNS Sofres.
Parmi les sympathisants socialistes, le cœur électoral du président, le soutien reste plus important. Il est néanmoins en chute constante et n’est plus que minoritaire dans différents baromètre de popularité (TNS Sofres / Le Figaro Magazine, Ifop / JDD, Ipsos / Le Point). Aujourd’hui, les évolutions de la popularité de François Hollande sont largement le fait des sympathisants du PS, étant donné leur poids relatif important dans les soutiens du président, alors que le reste de la gauche s’est largement détourné de François Hollande et que les sympathisants de droite lui sont presque unanimement hostiles.
Une image abîmée, une politique contestée
Cette désaffection à l’égard du président tient à des enjeux d’image. Beaucoup considèrent en effet que François Hollande « ne fait pas président » : à leurs yeux, il manque d’autorité (seuls 11 % des Français pensent aujourd’hui qu’il a de l’autorité et 26 % des sympathisants de gauche) ; il ne parvient à incarner la défense des intérêts de la France (seuls 24 % des Français pensent qu’il les défend, 49 % des sympathisants de gauche). En outre, avec les déboires de sa vie amoureuse et les traits personnels que révèlent le livre de Valérie Trierweier, le président de la République se voit de moins en moins reconnaître comme sympathique, une qualité qui lui était pourtant largement reconnue (elle ne l’est plus aujourd’hui que par 34 % des Français, -11 points depuis le début de l’année, mais cependant toujours par une majorité des sympathisants de gauche : 61 %, -9 points).
De manière plus profonde, l’impopularité est naturellement la résultante de la politique menée, qui suscite une très large défiance. La contestation de la politique économique est très majoritaire, même parmi les sympathisants de gauche : seuls 30% d’entre eux pensent que François Hollande mène une bonne politique économique (et 17% des Français). La ligne politique présidentielle n’est pas en accord avec les attentes des électeurs de gauche : une nette majorité de ceux-ci (58%) pensent que François Hollande n’est pas « assez à gauche », une proportion qui croît au fur et à mesure que la popularité présidentielle se réduit (+6 points par rapport à juillet 2014). Seuls 2% le jugent « trop à gauche », tandis qu’à peine quatre sur dix (38%) approuvent son positionnement au sein de la gauche. En outre, le Président semble déconnecté des réalités : seuls 17 % des Français le jugent encore proche des préoccupations des Français et 35 % des sympathisants de gauche.
Le décalage entre cette politique et le programme du candidat à l’élection présidentielle est également un point majeur dans cette impopularité. On ne trouve plus qu’un électeur de second tour de François Hollande sur quatre (24%) pour estimer que le Président tient ses promesses de campagne (-17 points entre mars 2013 et avril 2014).
Cette impopularité inédite d’un Président sous la Ve République pose de nombreuses questions. L’éventualité d’une démission présidentielle, longtemps impensable pour un président disposant d’une majorité de sa couleur à l’Assemblée nationale, est évoquée. Sans basculer dans cette hypothèse d’une « crise de régime », la capacité de François Hollande à s’engager dans une nouvelle campagne présidentielle paraît aujourd’hui sérieusement entamée. S’il reste au Président encore la moitié de son mandat pour redresser la barre, la défiance qu’il suscite au sein même de son camp pourra-t-elle vraiment être dépassée ? Dans une étude réalisée au milieu du mois de septembre, 54 % des sympathisants socialistes, 67 % des sympathisants de gauche et 87 % des Français déclaraient ne pas souhaiter la candidature de François Hollande à la prochaine élection présidentielle.
- Les instituts de sondage posent chacun des questions différentes, ce qui engendre, par conséquent, des résultats différents. Néanmoins, si les intitulés varient (confiance accordée au chef de l’État, jugement sur son action, satisfaction à l’égard de la politique conduite, etc.), ces différents indicateurs relèvent tous d’une dimension commune et suivent des évolutions très semblables. [Revenir]