Titre original : Filth
Note:
Origine : Royaume-Uni
Réalisateur : Jon S. Baird
Distribution : James McAvoy, Jamie Bell, Eddie Marsan, Imogen Poots, Emun Elliott, Gary Lewis, Jim Broadbent, David Soul…
Genre : Drame/Comédie/Policier/Adaptation
Date de sortie : 24 septembre 2014
Le Pitch :
Quand on demande au sergent-détective Bruce Robertson pourquoi il est entré dans la police de Glasgow, sa réponse est simple : pour la violence. Pas pour y mettre un terme, mais pour y participer. Il faut dire que Robertson est quelqu’un de complexe et de méchamment bordeline. Jamais bien loin des ennuis, et presque totalement étranger à l’éthique de sa profession, il désire pourtant plus que tout accéder à une promotion qui pourrait changer sa vie. Quand un meurtre est perpétré et que son supérieur le charge de l’affaire, Bruce voit sa chance de gagner ce qu’il désire tant. Ce qui implique malheureusement de mettre à rude épreuve sa santé psychologique déjà fragile…
La Critique :
Adapter l’écrivain Irvine Welsh au cinéma revient immanquablement à se mesurer à Trainspotting, son œuvre la plus connue (et aussi la première). Si Ordure ! arrive après de nombreux films basés sur les écrits du romancier écossais, il se frotte malgré lui à un culte absolu. Le fait que le film s’appelle Ordure ! et qu’il tourne donc autour d’un type complètement siphonné, drogué, alcoolo et dépravé, ne faisant qu’encourager un peu plus cette comparaison. Au final, c’est la victoire par k.o. pour Trainspotting. Sans aucun doute, Ordure ! ne peut pas rivaliser. Au début on y croit vaguement, mais très vite, plus du tout. Cela dit, il est donc préférable de ne pas mesurer les deux longs-métrages. Jon S. Baird (qui signe son deuxième long) n’est pas Danny Boyle et de tout façon, l’histoire même de ce flic déjanté n’a rien d’aussi stimulante que les pérégrinations vaporeuses hardcore de la troupe de junkie emmenée par Ewan McGregor.
Soit, Ordure ! fait quand même le maximum pour se démarquer. Vu qu’il s’agit d’un film estampillé Irvine Welsh, il ne faut pas s’attendre à quelque chose de très bon goût, ni à un quelconque sens de la mesure. Film punk, adapté d’un livre punk, Ordure ! place James McAvoy dans la peau d’un anti-héros total. Un menteur violent collectionneur de toutes les tares de la terre, qui semble beaucoup amuser le comédien écossais. Dans le sillage du DiCaprio du Loup de Wall Street, McAvoy y va franchement, sans filet de sécurité. Il plonge à pieds joints avec le sourire et la bave aux lèvres dans un univers de corruption policière et d’excès en tous genres.
Excellent dans un rôle égratignant avec jubilation son image, McAvoy porte le long-métrage et lui confère une bonne partie de sa personnalité, tout en justifiant au passage sa raison d’être. Il campe une belle ordure que vous adorerez détester et si ses aventures ne manquent pas de piquant, elles manquent par contre de tenue.
Baird fonce lui aussi dans le tas et oublie au passage de lier les divers éléments qui composent l’intrigue de son film. Il est question de meurtre et d’un mec qui se cherche en faisant un maximum de dégâts autour de lui. En prime, une petite surprise (sauf si vous avez lu le bouquin) débarque en fin de partie pour clôturer le tout. Entre le début et la fin, tout se mélange et si les comédiens s’amusent, il est quand même difficile de les suivre dans leur délire. À trop chercher à nous prendre à rebrousse poil, Ordure ! en oublie d’être cohérent. Contrairement au Loup de Wall Street, le film manque de fluidité et de substance. La verve de Welsh se résumant à des vignettes trash et au personnage outrancier de James McAvoy. On se fout rapidement de l’histoire de meurtre, mais au fond, le film aussi. Ce qui reste le plus regrettable étant que sous son désir méritant de rendre justice à l’esprit punk de son histoire, le réalisateur peine à suivre la cadence et compense avec des artifices inutiles et dommageables à son long-métrage. Victimes des dommages collatéraux d’une production bancale et d’une réalisation qui a perpétuellement le cul entre deux chaises, certains acteurs font office de figurants de luxe (Jamie Bell et Imogen Poots principalement), tandis que d’autres parviennent miraculeusement à exister face au monstre McAvoy, à l’instar d’Eddie Marsan.
Difficile de se sentir captivé par Ordure !. Nul besoin de pousser bien loin l’analyse pour réduire le film à une enfilade de tentatives souvent vaines de nous en mettre plein la vue. Tout y passe et le spectre de Las Vegas Parano et de Trainspotting (encore lui) de planer sans cesse au-dessus de la tête de ce flic pourri jusqu’à l’os. L’excès au cinéma demande un minimum de virtuosité et de discipline. Jon S. Baird ne manque pas de bonne volonté mais au final, sa deuxième livraison n’arrive pas à déclencher beaucoup d’empathie.
Tout le monde a au moins une fois déjà participé à une soirée en étant sobre alors que tout le monde était bourré. On se sent un peu seul et les délires des autres n’ont pas le piquant qu’ils semblent avoir pour ceux qui y participent. Voilà ce qu’est Ordure ! : une fête où les gens s’amusent dans leur coin sans chercher à inclure quiconque dans leur cercle.
@ Gilles Rolland