Lors de ma récente critique du beau polar chinois Black Coal, je vous disais qu'il pouvait parfois m'arriver d''apprécier un film tout en ayant le sentiment, lorsque le générique de fin arrive, de ne pas avoir saisi grand chose des subtilités que j'ai pu voir sur grand écran.
Cependant, ce sentiment n'est pas toujours évident lorsque le "pas grand chose" se transforme en "presque rien", comme ce fut le cas en sortant de la projection du film "Enemy", le dernier film (en tout cas le dernier film à sortir en salles (le 27 aôut dernier, cela fait déjà un mois), même si chronologiquement, il fut tourné juste avant Prisoners) du génial cinéaste de Prisoners et d'Incendies.
Sincèrement, lorsque survient le générique de fin d'Enemy, on se retrouve avec le même scepticisme que lorsque le mot FIn de "Mullohand Drive "ou "Lost Higway" de David Lynch apparait sur l'écran, tant on a le sentiment que le film pose bien plus de questions qu'il n'apporte de réponse, et personnellement je suis dans le même état de fustration que je l'étais il y a 15 ans et je ne fais pas partie de ceux qui ressortent heureux d'avoir été autant manipulé.
Certes il y a une grosse différence par rapport à l'époque où je voyais les films de Lynch au cinoche, c'est que depuis, Internet s'est largement démocratisé, et que de retour chez moi, je peux aller chercher sur Google la "notice explicative" du film ( qui, soit dit en passant devrait être livré avec).
Et là, j"ai proprement halluciné devant le nombre de forums détaillant les explications plus ou moins fiables à tout ce que je n'ai pas réussi à cerner. Il y a notamment sur un site en particulier une analyse du film, et de toutes les scènes, teriblement complète, et surtout environ 700 commentaires en dessous qui viennent apporter un éclairage plus ou moins différent et si vous avez vu le film ( et seulement si vous l'avez vu car ca spoile énormément), je vous invite évidemment à aller faire un tour tant le site donne toutes les réponses aux questions que l'on se posait .
Alors si évidemment, ces explications permettent de voir Ennemy d’un autre oeil et de s'apercevoir que tel détail qui nous semblait être insignifiant prend une autre signification, mais je n'oublie pas pour autant l'état de frustration dans lequel Denis Villeneuve m'avait laissé à la fin de son film avec sa fin vraiment abrupte.
Cette plongée dans l’esprit et le subconscient d'un personnage vraiment tortué, se déroulant dans un décor d'un Toronto partculièrement glauque et embrumé, dévoile une atmosphère ystérieuse et lourde mais qui souffre d'une intrigue manquant vraiment par trop de lisibilité pour convaincre.
Par ailleurs, l'autre problème du film en dehors du fait qu'on ne comprenne pas grand chose, son rythme est vraiment trop lent et la tension ne monte pas assez crescendo comme on aurait pu s'y attendre. Certes, "Enemy" intrigue, trouble, la photographie est plutot très belle, le jeu de Jake Gylenhaal est épatant dans son double rôle, mais dans le genre du film puzzle sur une double identité, "Donnie Darko" de Richard Kelly ou "L'Echelle de Jacob" d'Adrian Lyne, pour ne citer que ces deux là, avaient bien plus d'épaisseur et d'intérêt que ce décevant Enemy. Et surtout, à l'époque de ces deux films, j'avais pas eu besoin de google ( bon ca existait pas mais quand même) pour essayer de piger un peu!!
ENEMY Bande Annonce VF (Mélanie Laurent, Jake Gyllenhaal)
Et j'espèrais que la lecture du livre de José Saramago, dont le film de Villeneuve est adapté puisse me donner pas mal d'éclaircissements aux films, j'en fus bien pour mes frais tant le roman m'a paru tout autant opaque et abscons, rajoutant peut -être encore plus de confusion..