Théâtre : Les Égarés du Chaco. Entretien vidéo avec Jean-Paul Wenzel.

Publié le 26 septembre 2014 par Slal
Cartoucherie, septembre 2014
Les Égarés du Chaco
Un spectacle de la compagnie Dorénavant
D'après La Lagune H3 d'Adolfo Costa du Rels
Mise en scène Jean-Paul Wenzel
Adaptation Arlette Namiand
avec Javier Amblo Hurtado, Susy Arduz Rojas, Mariana Bénénice Bredow Vargas, Andrés Leonardo, Escobar Juárez, Lorenzo Ariel Muñoz, Antonio Peredo Gonzales, René Marcelo Sosa Santos. La Troupe Amassunu (Santa Cruz, Bolivie).
Du 25 septembre au 19 octobre 2014
Spectacle en espagnol, surtitré en français
Les représentations auront lieu au Théâtre de l'Épée de Bois : du jeudi au vendredi à 20h30, le samedi à 16h et à 20h30, le dimanche à 16h Location : 01 43 74 24 08 tous les jours de 11h à 18h, ou à l'Épée de Bois au 01 48 08 39 74.

Jean-Paul Wenzel est l'auteur d'une quinzaine de pièces dont la première, Loin d'Hagondange, traduite en 17 langues et jouée dans une vingtaine de pays, reçut un succès considérable. Acteur formé à l'Ecole du TNS, metteur en scène de ses propres pièces et d'une trentaine d'oeuvres d'auteurs contemporains, il fut, de 1985 à 2003 co-directeur avec Olivier Perrier du CDN Les Fédérés à Montluçon, avant de créer, avec Arlette Namiand, la compagnie Dorénavant à Paris.

L'histoire
En pleine guerre du Chaco entre la Bolivie et le Paraguay (1932-1935), un bataillon bolivien tombe dans une embuscade et se disperse dans les bois pour éviter d'être encerclé.
C'est, dans cette nature hostile, ce Chaco aride semé de broussailles et de forêts sèches impénétrables, qu'un groupe d'hommes va se perdre, tenter de trouver une hypothétique lagune, dormant le jour, marchant la nuit pour survivre à la chaleur écrasante.
Mais la réserve d'eau s'épuise, les hommes aussi, et l'espoir. Pour le maintenir, assurer la cohésion du groupe et l'union autour de lui, le Capitaine Borlagui se sert de l'illusion comme arme de survie. Mentir pour tenir ! Tenir pour sortir vivant de ce guêpier.
La nuit enveloppe le groupe de présences invisibles. La forêt aime la chair humaine. On croit voir derrière chaque animal un démon, et derrière la vision hallucinée d'une femme, le Tangatanga, dieu tricéphale.
La lagune H3 existe paraît-il, mais elle reste introuvable, elle ne figure sur aucune carte car l'armée bolivienne craignait que l'ennemi ne la trouve. La ration d'eau diminue de jour en jour. On entend régulièrement le bruit d'un cours d'eau mais ce n'est qu'une illusion de plus que la fièvre entretient. Alors, pour calmer les terreurs, les manques et les angoisses, chacun a ses recours, ses talismans, ses sauvegardes : Dieu pour certains, les Dieux pour d'autres, les croyances ancestrales, les superstitions.
Et puis il y a le lieutenant Contreras qui ne croit à aucun dieu, à aucune superstition, mais hanté par une ombre qui le suit, va un jour s'en libérer par un acte considérable, irraisonné : l'attaque au couteau d'un tronc d'arbre, un toborochi, qui, sous les coups rageurs de la main qui le taillade et le sculpte, va prendre la silhouette et les traits d'un homme. Un acte de création qui, à lui seul va transcender l'angoisse.
Ce qui fait la beauté, la puissance poétique de ce récit, c'est cet emmêlement singulier du visible et de l'invisible, cette friction constante entre le monde magique et la réalité qui fonde l'identité de la littérature sud-américaine.
L'envoûtement que produit cette écriture, c'est que l'auteur donne à voir à la fois la réalité de ces hommes errant dans la jungle aux prises avec les forces de vie et de mort qui les hantent, les rendent tour à tour pathétiques, lâches, cruels attachants et généreux, et dans le même temps nous ouvre un monde fantastique, peuplé d'ombres mouvantes, de lueurs dans les fourrés, habité de présences diaboliques ou féériques, un univers qui nourrit la peur et l'angoisse des hommes comme leur capacité de rêve, leur imaginaire, leur puissance de survie.
Arlette Namiand