Malgré la désespérante actualité, voici une info en forme de bol d'air, une info des cîmes qui sans nul doute aurait plu au guide de haute montagne, Hervé Gourdel, à qui je dédie cette note.
On savait déjà le vieil Henry très en pointe pour son époque, le voici aujourd’hui perché, en plein Valais, à 4632 mètres… Compliments… Et devinez qui il a pour voisin, sur la même crête, à quelques cordées à peine, au plus haut du Mont Rose ? Guillaume-Henri Dufour, LE général, le premier président du CICR.
Dufour dont l’aura galonnée l’autorise à s’élever au plus haut de la Suisse (à 4634 mètres) et ce depuis le 28 janvier 1863... Le général a ainsi pu jouir de son vivant de la Dufourspitze. Non pour son engagement humanitaire (Le CICR n'existait pas encore) mais pour son principal fait d'arme : avoir défait en quelques jours et sans sang versé (ou très peu) les ligueurs catholiques du Sonderbund (1847).
Bref, désormais les deux plus hauts sommets suisses, à quasi parfaite égalité, se nomment Dufour et Dunant, un militaire et un humanitaire. Logique. Après tout, le jour où la Suisse cessa de fournir des mercenaires à toute l’Europe, elle envoya (après les avoir inventés) des humanitaires dans le monde entier….
On imagine Moynier fou de rage du nouvel honneur fait aujourd’hui à Dunant. Moynier qui fit tant pour la perte du trublion visionnaire. Moynier qui, après l'avoir écarté, présida sans partage, quarante années durant, le Comité international de la Croix-Rouge. Dunant eut sa vengeance, en 1901, quand il obtint le premier Prix Nobel de la Paix.
Sans conteste, Moynier mais aussi Appia et Maunoir (les deux médecins que la postérité a négligé), votent pour ce projet de Mont Rushmore. Dunant est contre, évidemment, le Mont Rose lui suffit. Les chamailleries continuent.
Le vieux Général, lui, sourit au Cervin dans les rousseurs du couchant teintées d'éternité.