Antoine Tarantino me reçoit dans sa galerie, à deux pas de Notre-Dame de Lorette. Les cratères grecs se mêlent aux dessins et peintures du XVIIe siècle et aux idoles babyloniennes pluri-millénaires. Tout est calme… et tout est beau !
Bonjour Antoine, comment devient-on marchand d’art, expert en archéologie ?
J’ai connu un parcours atypique, comme beaucoup de monde dans ce milieu-là. J’ai commencé ma carrière professionnelle comme… gendarme ! Après quelques années de service, j’ai préparé le concours d’officier et je logeais à l’époque près de l’Hôtel Drouot. J’ai commencé à fréquenter les ventes aux enchères. Par hasard, je rencontrai Jacques Charles-Gaffiot, qui m’a proposé d’être commissaire adjoint d’une exposition sur le destin des collections royales. J’ai accepté, démissionné de l’armée et c’est parti. C’est un peu fou ! Je n’avais aucune formation académique, seulement une passion. C’était en 1989. Par la suite, j’ai suivi l’Ecole du Louvre et travaillé en tant que salarié pour plusieurs grands marchands : Jacques Fischer et Jean-Philippe de Serres notamment. C’est là que j’ai appris le métier et que j’ai été nommé expert.
Expert ?
Dessin original de Simone Felice Delino pour le décor éphémère de la Trinité des Monts à Rome à
l’occasion de la guérison de Louis XIV en 1687
C’est un titre de reconnaissance de « la profession » (et non un diplôme), accordé par cooptation par nos instances représentatives (syndicat professionnel). On pourrait s’auto-nommer expert, mais sans aucune crédibilité. Il y a une condition : on ne peut pas être expert dans deux domaines. Je suis donc expert en archéologie depuis 2003. Nous sommes peu nombreux ; par exemple, je fais partie d’une association internationale (International Association of Dealers in Ancien Art) où nous sommes 35… dans le monde !
Et actuellement ?
J’exerce deux activités : j’ai créé ma propre galerie en 2006. Je suis marchand spécialisé en archéologie, en dessins et tableaux anciens, particulièrement d’artistes italiens, ou français influencés par les italiens.
Cette double « casquette » est un peu atypique et gêne certains clients qui ne conçoivent pas que l’on peut avoir une bonne connaissance dans deux domaines. Les gens attendent une spécialité. Et pourtant les peintres et dessinateurs du XVIIe étaient d’excellents connaisseurs de l’antiquité ! Il y a une « filiation d’intérêt ». Ce n’est pas du tout illogique.
Pour l’archéologie, je m’intéresse surtout au pourtour méditerranéen (Mésopotamie, Egypte, Grèce, Rome), beaucoup moins à l’archéologie chinoise ou celtique.
Par ailleurs, je suis expert en archéologie. Plusieurs études de commissaires-priseurs font appel à moi pour authentifier tel ou tel objet.
Comment faire pour bien acheter ?
Et les clients ?
Et comment se faire connaître ?
Je communique principalement par le bouche à oreille, par le réseau, par quelques salons (mais qui coûtent cher – Bruxelles, peut-être un jour le Salon du dessin ou Maastricht, le plus connu au monde) et par les expositions que j’organise dans la galerie. C’est un excellent moyen de promotion. Chaque exposition demande un temps important de préparation, mais cela contribue à diffuser notre travail et même à assurer une certaine notoriété dans le milieu de l’art ancien en obtenant de nouveaux contacts. Cela vaut le coup, même si les retombées financières ne sont pas immédiates. Le vernissage de la dernière exposition « Les fastes du pouvoir » a été une vraie réussite !
Et le collectionneur que vous étiez ?
Il n’existe plus vraiment ou du moins tel qu’il était. Depuis la création de ma galerie, je ne collectionne plus car je ne veux pas que les gens imaginent que je garde le meilleur pour moi. Désormais je collectionne pour la galerie et ce avec le même plaisir et la même passion. Evidemment, il y a des pièces que j’aurai aimé garder. Mais, il faut bien faire vivre ma famille et cette dernière est plus importante à mes yeux que le plus bel objet du monde.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier ?
Honnêtement, ce n’est pas un métier facile et on ne connait pas la sécurité de l’emploi : le risque est important, 99% des habitants de notre pays ne s’intéressent pas aux objets que je vends… ! Je ne dors pas toutes les nuits car il y a parfois une pression énorme lorsqu’on ne vend rien pendant trois mois mais je ne le regrette pas ! Il faut de la passion et de la patience. J’ai trouvé, par miracle, le métier sur mesure qui me convenait et suis conscient de la chance que cela représente !
Merci beaucoup Antoine !
www.galerietarantino.com
38 rue Saint-Georges, 75009 Paris
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