Ma tante, bientôt quatre-vingt-trois noëls au compteur, n’a jamais dérogé à la sacro-sainte obligation du ménage de printemps. (Ce qui, dernièrement, l’a vue sortir sur le toit de sa véranda par la tabatière du toit voisin, afin de l’en délester des cadeaux laissés par les pigeons – et se froisser une côte au passage retour.)
Le printemps me donne plutôt une furieuse envie de laisser plantée là la vaisselle, d’exhumer le premier short venu de son placard et de courir ainsi dévêtue offrir ma peau aux premiers rayons. (Ensuite, en général, j’ai une angine. Forcément.)
Mais l’automne… Quand l’odeur de la terre humide et des pommes oubliées parfume la brume du matin me viennent des envies de ranger (les choses qui traînent depuis des mois), de laver (les plaids en ploaire toute douce du canapé pour qu’ils sentent bon, la terrasse), d’ordonner (mon agenda, leurs rendez-vous, ma tête, ma vie), de trier (mes livres, mes chaussures, mon dressing), de faire de la place (aux sentiments, aux souvenirs, aux réserves de thé), de jeter (les vieilles fleurs, les chaussettes trouées, les vieux magazines).
J’ai besoin de me préparer pour l’hiver. D’accorder mon corps et mon esprit, le matériel et l’insaisissable. J’en fais trop, obsédée par les journées qui racourcissent et la température qui chute, je me sens débordée, consciente à la fois de la vanité de mon entreprise et de mon incapacité à renoncer. Alors je cours, cigale pressée avant que ne vienne la bise, je nage, je surnage, avant que ne volent les feuilles et tapissent les sentiers, je suis partout, sur tous les fronts, jusqu’à épuisement, je n’aurai de repos jusqu’à ce que tout soit prêt, le cocon chaleureux au coin de la cheminée et le chocolat chaud qui répand ses effluves dans la cuisine. Avec des gaufres, peut-être.