Note : 4/5
Après son succès en 2012 pour son film Les Adieux à la Reine récompensé de trois Césars (meilleure photo, meilleurs costumes et meilleurs décors), le réalisateur revient à une fiction contemporaine dans 3 Cœurs.
Si le titre laisse supposer un drame romantique mièvre, le film en est heureusement tout autre. 3 Cœurs parle pourtant bien d’amour : Marc rencontre Sylvie dans une ville de province où il a loupé le dernier train pour Paris. Ensemble ils sillonnent la ville de son enfance à elle, parlent un peu et partagent beaucoup. Le lendemain matin ils sont amoureux et jurent de se retrouver. Mais Marc rate leur rendez-vous et ne la retrouve pas. C’est un peu en la cherchant qu’il trouve Sophie et tombe amoureux d’elle, l’épouse, fait un enfant. Mais Sophie est la sœur de Sylvie et leurs retrouvailles bouleverseront à jamais ces trois cœurs qui s’aiment.
© Wild Bunch Distribution
C’est au hasard du tournage que Benoît Jacquot sentit son film à tendance mélo basculer dans un thriller romantique, et pourtant le scénario en comporte déjà les éléments. La tension qui s’installe rapidement dans le récit à partir de la rencontre avec Sophie joue sur la connaissance du personnage principal, Marc, qui tombe sous le charme de cette femme alors que nous connaissons son attachement à Sylvie (si en plus le spectateur a vu la bande annonce avant la séance il a globalement toutes les cartes en main avant même que ne débute la partie…). Cet effet d’un hasard malheureux ne dure qu’un temps car Marc devine rapidement l’identité de la sœur de Sophie partie aux Etats-Unis. Mais le film ne tombe toujours pas dans le mélo grinçant et rebondit sur l’anxiété de la rencontre, l’angoisse de s’avouer, etc. Le récit saute ainsi de mini suspense à mini suspense et parvient à nous tenir en haleine avec une problématique pourtant basique.
Outre le scénario, l’ensemble des éléments du film s’associent vers le drame anxiogène. A la vue du casting, nous pouvions déjà nous douter que 3 Cœurs ne serait pas une comédie. Même si nous avons autant l’habitude de voir Benoît Poelvoorde dans des comédies que dans des drames car son sublime talent le suit dans chacun de ses rôles, il est vrai que le nom de Charlotte Gainsbourg est communément plus associé à un cinéma d’auteur dramatique tout comme l’est celui de Chiara Mastroianni. A eux trois ils forment un trio sombre dans lequel peu de gaieté passe, même dans les quelques heures heureuses que narre aussi le film. Leur jeu et la mise en scène de Benoît Jacquot sont soutenus par la photographie et la musique du film insistant sur l’effet de suspense et d’angoisse, entraînant ainsi le film vers davantage de gravité et accentuant le poids de leurs sentiments.
C’est donc surpris et plutôt oppressés que nous sortons de cette séance comme d’un bon roman de thriller : heureux d’en être arrivé au bout mais aussi déçus que ce récit se finisse.
Marianne Knecht
En salles depuis le 17 septembre 2014.