Révélateur

Par Gentlemanw

Jamais je n'aurai cru en moi sans cet homme, alors je l'attends avec encore plus d'impatience, ce soir dans ce bar lounge, les baies ouvertes sur la ville calme, l'air chaud de l'été indien qui vient à moi, caresse le voile de mon top noir. Il est là, il traverse la salle, ses yeux droits sur moi, ce photographe s'asseoit face à moi.

Pas un diner en amoureux mais un rendez-vous tout en grignotant, pour voir ensemble les photos du dernier shooting commun. J'étais si tendu la première fois, pour mes premiers clichés. Une amie, jeune femme comme moi, vraie femme avec des formes, des plus et des moins, bien réelle, sans rapport avec les égéries des magazines féminins, elle m'avait montré un soir des photos d'elle. Bluffée par cette photogénie nouvelle, pour moi, pour elle, comme une porte ouverte sur une autre dimension, elle était une autre. 

Elle avait ri de se voir si belle sur sa tablette, et nous avions passé la sirée à parler de coiffure, de maquillage, du trop et du pas assez, de la lumière, du lieu, du photographe. Et surtout de cette complicité étonnante née entre deux inconnues. Elle m'avait dit ce que j'ai ressenti ensuite dès la première fois, une timidité, une fragilité, mais aussi un confort, des mots, des sourires, les premiers flashs, les premiers conseils, directifs pour avoir un portrait, une autre image.

Il avait joué de toutes les formes qui me gênaient, mes pieds, mes bras, ma poitrine, mes hanches pire ma tête. Et là, avec cette femme, oui moi, il avait donné une autre interprétation, une autre facette de cette personne que je découvrais sans l'avoir jamais révéler.

Magicien, mais surtout photographe, esthète et amoureux des femmes, de toutes les femmes, il adorait trouver les clefs pour que le mystère se fige dans ses clichés. Chaque pose devenait lus facile, surtout la deuxième fois, plus aguerrie, plus complice, plus proche de moi, tout simplement, j'avais ouvert mon corps, mes yeux sur celui-ci. Certes il me falait un peu de souplesse, de rires en plus pour libérer mon visage, pour croire en ma crinière, pour voir mes yeux avec un trait d'eye-liner parfaitement tracé. J'ai changé, et je suis restée moi-même, mais j'ai donné un reflet différent, plusieurs versions de celle dont parfois je rêvais. Avec d'autres sortilèges j'ai cru apercevoir une autre femme, mais toutes ces images m'ont plu.

Une révélation, un  message fort vers mon intérieur, plus en harmonie avec les possibilités, la réalité de mon extérieur. Je dois avouer que certaines soirée, j'ai regardé ses séries, il m'a donné du bonheur, une autre dimension, et là après la commandes des plats, j'aperçois la dernière. Il rit emporté par sa timidité retrouvée. Lui aussi change, directif durant les séances, il redevient fragile ensuite, se cachant derrière un travail, toutes ses images de moi. Le partage du résultat, il aime le faire en lien réel avec la personne, sans les connexions virtuelles, pour expliquer ses choix, pour justifier ses lumières, ses rares retouches.

La chaleur enveloppe ce bar, mon verre de vin blanc se vide. Là devant moi, sur cette table, défilent de nouvelles photos, plus légères, j'ai liberé mes jambes devant lui, à ma demande, avec son approbation. Collants ou bas, j'ai vu enfin l'intégralité de mon corps, de toutes mes courbes, de toutes mes lignes. Ravi, son visage s'illumine, pour ce fauteuil, pour ce choix de coiffure, pour nos discussions ce jour-là pour scénariser la séance. Je ne suis pas modèle, juste une femme révélée mais cela me donne un autre angle de vue sur ma féminité.

Toujours imparfaite à mes yeux, mais plus accessible, plus lumineuse, et finalement pas si mal du tout. Il rit de mes remarques, en me confiant la clef usb, avec ce tout qui est moi, mais que je regarde maintenant avec beaucoup plus de plaisir.

Nylonement