Article écrit par une complice de MDT
Critique de Mistinguett, reine des années folles, vu au Casino de Paris, le 20 septembre, 20h.
Livret de Jacques Pessis et Ludovic-Alexandre Vidal. Musique de Jean-Pierre Pilot et William Rousseau. Chorégraphie de Guillaume Bordier. Avec Carmen Maria Vega (Mistinguett), Patrice Maktav (Léon Volterra), Cyril Romoli (Jacques Charles), Fabian Richard (Scipion), Mathilde Olivier (Marie), Grégory Benchenafi (Harry Pilcer).
Je vais rarement voir des spectacles musicaux, et le genre Mozart Opéra-rock ou Les dix commandements, les salles style Palais des Sports ou des Congrès, ne sont pas ma tasse de thé. Rien ne me prédisposait donc à aller voir ce « Mistinguett », produit par Allbert Cohen. J’ai cependant profité des tarifs intéressants des premières et réservé au Casino de Paris, pour trois raisons : la salle du Casino justement, vrai music-hall parisien, qui a vu se produire Mistinguett en personne, le souvenir de Cabaret, dont ce spectacle pouvait être le pendant optimiste (on y retrouve Fabian Richard, qui avait été un inoubliable Emcee), et enfin Carmen Maria Vega que j’avais découverte par hasard comme chanteuse, et qui m’avait soufflée par sa présence et son autorité scénique.
Le Casino de Paris est un lieu exceptionnel, qui nous plonge dans les Années folles, avec ses immenses miroirs, son promenoir, l’arc en ciel de son enseigne sur la rue de Clichy.
Pour la comparaison avec Cabaret, le compte n’y est pas : ce spectacle que j’avais vu aux Folies-Bergère semble décidément insurpassable. Mistinguett est à 100 lieues en dessous, les moyens alignés n’étant pas les mêmes, d’où un aspect comparativement cheap. La musique est essentiellement enregistrée, très « boum-boum », et j’ai été déçue par le faible nombre de musiciens sur scène. Le scénario est basé sur le montage d’une revue, qui voit revenir la Miss, juste après la première guerre mondiale, après sa rupture avec Maurice Chevalier. Mais, par manque de musique live, on n’a pas la sensation d’effervescence nécessaire. L’histoire, qui nous emmène aussi dans le milieu des salles de jeu, introduit de manière assez artificielle un autre personnage féminin, en contraste avec Mistinguett. La construction des personnages est bien simpliste, si l’on pense à ceux créés par Christopher Isherwood : Fabian Richard, toujours plein d’abattage, n’a pas un rôle à sa mesure, « méchant » sans nuance, dont l’air principal a comme refrain, au cas où l’on n’aurait pas compris : « Je suis immonde » ! Certaines chansons sont empruntées aux années 20, réorchestrées, d’autres sont composées pour le spectacle, et le résultat est inégal malgré quelques réussites. Les allusions à l’actualité (« Moi Président ») –il paraît que c’est une loi du genre- sont laborieuses.
Carmen Maria Vega est évidemment au cœur de l’action, et elle ne m’a pas déçue : la gouaille et la hargne de Mistinguett correspondent tout à fait à son tempérament. Son naturel et son aisance sont confondants. Tout petit bout de femme à la voix puissante, aux grands yeux d’actrice de muet, quand elle est sur scène on ne voit qu’elle : au milieu de ses camarades, qui sont tous très bons, elle a quelque chose d’indomptable, de définitivement non-formaté. Elle ne danse pas très bien, mais cela n’a guère d’importance : c’est elle la patronne.
Les sinuosités de l’intrigue, la montée en puissance trop lente de l’action, mais surtout, surtout le fait qu’il n’y ait pas assez de vraie et bonne musique font que le spectacle ne nous embarque pas vraiment, malgré l’impeccable professionnalisme de la troupe et de beaux numéros dansés. Cependant, la dernière demi-heure emporte l’adhésion, les tableaux finaux sont beaucoup plus entrainants.
On passe en fin de compte une assez bonne soirée (presque 3 heures de spectacle), à condition d’avoir eu des billets à prix réduits, car 94€ en carré or, c’est beaucoup trop cher, et les places de « catégorie 1 » n’offrent pas une visibilité suffisante pour les 80€ qu’elles coûtent. Carmen Maria Vega, de toute façon, mérite d’être découverte, c’est un diamant brut !