Une oeuvre nous entraîne aux sources de l'art aborigène contemporain
C’est dans la petite communauté de Papunya, au coeur du désert central australien, que l’art aborigène contemporain est né au début des années dix-neuf-cent-soixante-dix. Ce sont des hommes comme Old Walter Tjampitjinpa qui, par leur travail, ont rendu célèbres les codes graphiques minimalistes immédiatement reconnaissables des peuples aborigènes du désert.
En effet, en 1971, un nouvel instituteur nommé Geoffrey Bardon fut envoyé à Papunya. Ayant remarqué que les Aborigènes dessinaient des motifs sur le sable, il apprit des anciens que ces symboles étaient liés à des légendes et récits pluri-millénaires. Intrigué, il encouragea alors les aînés à transposer leurs légendes sur des supports pérennes. Après de longs pourparlers, ceux-ci acceptèrent de le faire, d’abord sur le mur de l’école de Papunya, puis peu à peu sur d’autres supports comme des planches de contre-plaqué, des panneaux de métal, des carreaux de céramique récupérés sur les chantiers de construction et enfin de la toile.
Plus que de l’art, il s’agit d’un véritable manifeste politique de la part d’hommes dont la culture avait été jusque là dénigrée. Leur style unique allié à un vocabulaire graphique jusqu’alors inconnu du grand public a donné naissance à une véritable révolution artistique qui a ouvert la voie à une reconnaissance de la culture et du peuple aborigène australien.
Cette oeuvre rare fait partie de ces premières peintures réalisées sur des plaques de contreplaqué dont certaines ont été exposées au musée du quai Branly dans le cadre de l’exposition «Aux sources de la peinture aborigène» en 2012-2013.
Ce panneau a pour sujet la légende associée aux trous d’eau sacrés de Kalipiny, dans le désert central. On retrouve dans celle-ci les règles stylistiques et les canons du mouvement artistique naissant : tout d’abord le choix de l’abstraction pour ne pas représenter trop précisément des éléments connus seuls des initiés, l’usage de pointillés, mais aussi de cercles concentriques symbolisant les sites de rassemblement où ont lieu les cérémonies religieuses ; enfin, la représentation dite «satellitaire» des lieux sacrés. En effet, le site est vu comme du ciel, les lignes ondulées symbolisant le cheminement souterrain de l’eau d’un point d’eau à un autre ; les signes en forme de flèche représentent quant à eux les traces de pattes laissées par des émeus sur le sable.
Tous ces éléments font de cette peinture de qualité muséale une oeuvre exceptionnelle.