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Roderick Thorp : La traque

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

La traque de Roderick Thorp   4/5 (18-08-2014)

La traque (615 pages) sort le 25 septembre 2014 aux Editions Sonatine.

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L’histoire (éditeur) :

Août 1982. Phil Boudreau, détective de la brigade des mœurs de Seattle, est appelé en urgence dans une des banlieues de la ville. On vient de retrouver le corps d’une jeune femme dans la Green River. Les services de police présents sur les lieux ne lui demandent qu’une chose : identifier la victime, qui semble être une de ces jeunes prostituées que son travail l’amène à fréquenter. Boudreau la reconnaît et pense immédiatement à un suspect possible, Garrett Richard Lockman. Mais le rapport qu’il envoie à sa hiérarchie, dans lequel il fait état de ses soupçons, est enterré sans qu’il en connaisse la raison. Bientôt, les victimes se multiplient dans la Green River, presque toutes de jeunes prostituées de la ville. Mis à l’écart des investigations, Boudreau décide de mener seul une enquête clandestine qui va durer près de dix ans, au rythme de surprises et de rebondissements spectaculaires, jusqu’à une conclusion totalement inattendue. Face à lui, un tueur aussi manipulateur qu’insaisissable, le pire cauchemar d’une ville aux abois.

Mon avis :

La traque est le 14ème roman écrit par Roderick Thorp   (publié aux Etats Unis en 1997). Mort en 1999, il est l’auteur de gros succès américains qui ont donné lieu à des films dont Le détective (film sortie en 1968, avec franc Sinatra et Jacqueline Bisset) et Die Hard (film de 1988 avec Bruce Willis).

Voilà les présentations sont faites. Il me semblait nécessaire de vous parler de cet auteur qui avait autant sa place dans le domaine du cinéma que de la littérature policière, et dont je pense on n’a peut-être pas assez parlé. Les choses vont peut-être tourner grâce aux Editions Sonatine qui publient enfin en France son dernier roman, 15 ans après sa mort.

Quelle claque ! Annoncé sur le site à 432 pages, sachez qu’il en fait en réalité 615. Mais n’ayez crainte,  vous apprécierez ces 183 pages supplémentaires, autant que les 432 précédentes.

La traque est l’histoire de Garret Richard Lockman,  tueurs en série de 28 ans, et de Phil Boudreau, détective de la brigade des mœurs de Seattle. Quand en aout 1982, ce dernier est appelé par des collègues sur le bord de la Green pour identifier  une jeune fille retrouvée morte. Il sait, il sent qui est l’auteur de ce meurtre : un certain Richard Lockman, arrêté deux ans plus tôt pour vol par Boudreau lui-même. Son rapport ne convainc pourtant pas les enquêteurs chargés de l’affaire et, alors que les cadavres de jeunes filles s’accumulent, Lockman est étrangement très vite écartés des faits (du moins officiellement) et devient même leur indique…

Bon voilà, encore un quinze millième roman de tueurs en série ! C’est vrai, mais quel roman ! Point de détails sanglants, une traque à deux sens qui va durer une dizaine d’années, une angoisse qui monte progressivement et une intrigue qui vous attrape pour ne plus vous lâcher. Captivée par le sordide, la curiosité malsaine face à ce tueur d'une incroyable intelligence, manipulateur hors pair et aussi rusé que « poisseux », comme le décrit si bien Boudreau.

Le récit de la vie de cet assassin (qui page 350 compte déjà 62 proies !) se mêle intimement à celle du flic (longtemps suspecté, jusqu’aux derniers instants de l’un). Il s’agit là d’une vraie bataille entre l’inspecteur et le meurtrier, dont l’identité n’est à aucun moment un secret. Le suspens tient à la résolution de l’enquête et à l’arrestation de ce psychopathe, qui est loin d’être gagnée d’avance, tant il est doué pour manipuler, réfléchi et calculateur. Ainsi, si une fois l’envie lui prend de mordre l’une de ses victimes qui se débat plus que les autres, il sait aussi que c’’est ce qui a perdu Ted Bund (meurtrier en série qui a sévit quelques années plus tôt, qui s’est tant joué de la police mais qui a finalement été arrêté), il se retient ; pour le reste, il s’en donne à cœur joie (le lecteur le comprend aisément sans que l’auteur ne s’étende sur les sévices). C’est dans sa tête, autant que dans celle du flic, père divorcé de 34 ans (obsédé par cette affaire) que le lecteur se plonge  avec inquiétude et fascination. Les rouages du système judiciaire et pénal sont sans cesse mis en avant, expliquant pourquoi l’affaire n’a jamais été officiellement résolue.

Roderick Thorp écrit là un roman très sombre, inspiré d’une histoire vraie, qui tient le rythme du début à la fin, impressionnant et fascinant. Entre roman policier et chronique judiciaire, La traque se lit avec grand intérêt, même si la violence et le sexe sont très présents et mettent quelque fois mal à l’aise (la faute à l’auteur qui offre une plongée dans l’esprit d’un tueur d’un grand réalisme).

« En 1976, après la première, il s’était demandé ce qu’il avait découvert au cœur de son être. Six mois plus tôt, après celle avec laquelle il s’était amusé à Portland, il avait obtenu sa réponse : quelque chose de plus sauvage que la bête la plus  sauvage était en train de naître en lui. La terreur avait beau le secouer jusqu’aux os, l’inéluctabilité du processus lui apparaissait clairement. Il s’était remis en mouvement quand il avait compris qu’il venait de trouver la meilleure raison de vivre, que ça lui plaise ou non. Cette pensée l’avait apaisé, dans une certaine mesure.

Un monstre.

Le pire monstre de tous les temps, s’il en avait envie. » Page 75


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