Alors, où dormir ? Bonne question à poser quand vous n’avez pas où vous abriter. Mais, jusqu’à ce moment, Bruno et moi, on n’avait pas encore découvert que l’on ne savait pas où habitaient nos amis.
Pas de blé dans les poches (on avait oublié de passer à la banque pour prendre de l’argent), on a dû aller au centre-ville à pied. Dire que c’était pas loin c’est être très optimiste. À peu près 7km c’est trop quand vous n’avez pas pris de douche le jour avant, quand vous avez gueule de bois et quand vous êtes fatigué de prier et chanter. On se demandait pourquoi Dieu ne nous envoyait pas une charrette divine pour nous y emmener. D’acc, Il nous en avait déjà envoyé le Combi. Dieu merci. Contentés, il a fallu marcher.
À la moitié du trajet, on avait les estomacs dans les talons. Mais comment manger sans argent ? Combien on en avait ? Une fois les poches, les sacs à dos et n’importe quoi d’autre fouillés à la folie, on a su: on n’avait que R$0,80 (à peu près $0,30€). Quoi manger avec cette somme astronomique ? Pas trop. Pourtant, l’âme voyageuse a des moments parfois de ruse inespérée: X-mico. Au Brésil (je pas au Portugal), X, dans le vocabulaire gastronomique, veut dire “sandwich” ; mico fait allusion aux singes (mico est un genre de singe trouvé aux forêts brésiliennes) ; X-mico pourrait donc être traduit par “sandwich-singe”, métaphore “élégante” pour dire pain à la banane. Ouais! Recette: prenez un pain, ouvrez-le en deux, mettez une banane dedans et mangez-en heureux. Budget pour deux à l’époque: 2 pains (R$0,10 chacun), 2 banane (R$o,20 chacune) ; R$0,60 tout et vous avez encore de monnaie ! Excellent ! Nickel !
Faim satisfait, il nous manquait nous occuper de la soif. Quoi boire avec R$0,20 ? Quasiment rien. De l’eau. On en avait un peu dans les bouteilles. On ne peut pas tout vouloir dans cette vie !
Ragaillardis, on a repris la route. 200 mètres et on a trouvé une banque ! De l’argent et de la coca ! On en a bu juste pour commémorer. Dans ce moment-là, assis sur le gazon, on s’est souvenu de nos amis.
“Putain, t’as leurs adresses ?”
“Non.”
“Leurs numéros de portables ?”
“Non plus.”
“T’as quelque chose qui puisse nous servir ?”
Grimace de désolation…
“Merde !”, on s’est dit en nous regardant et riant.
“Tu voulais de l’aventure ? La voilà !”, ai-je dit à Bruno.
Il a voulu me pencher, mais à la fin il l’a fait pas. Je suis trop lourd pour être chargé !
“Est-ce qu’on sait n’importe quoi de nos amis ?”, m’a-t-il demandé.
“Je pense que je sais arriver chez un ami d’un ami de Julio. Peut-être. J’y suis allé une fois avec lui !”
On a dû rire.
“Allons-y donc !”
Suite…