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Critique Ciné : Saint Laurent, l'opium des femmes

Publié le 22 septembre 2014 par Delromainzika @cabreakingnews

Saint Laurent // De Bertrand Bonello. Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier et Louis Garrell.


Saint Laurent est un biopic savamment construit. En effet, en se penchant sur une partie de la vie d’Yves Saint Laurent, le film fait le choix de ne pas s’éparpiller et de ne pas transformer certains personnages en anecdotes comme cela pouvait être le cas dans Yves Saint Laurent de Jalil Lespert. De plus, le film ne cherche pas à avoir toute la sympathie de Pierre Bergé (le point de vue n’est donc pas celui de Pierre Bergé dans la manière dont l’histoire est racontée mais celui de Bertrand Bonello, le biographe de ce film) et c’est une très bonne nouvelle. Le film se penche donc à la fois sur Saint Laurent le couturier de talent mais aussi sur la part d’ombre du personnage (la drogue, le sexe, les excès en tout genre, ses relations tumultueuses, etc.). Je ne vais pas jouer les comparaisons avec le film de Jalil Lespert que j’ai aussi bien aimé (mais moins que celui-ci malgré tout) mais disons que Saint Laurent ne cherche pas à avoir la sympathie de la famille du couturier et peut donc tout se permettre. On voit un Saint Laurent désoeuvré bien souvent sous acides ou bien sous alcool, démuni, perdu ou encore diminué par sa propre existence. Les traumatismes qu’il a pu vivre sont même très bien mis en scène par un Bertrand Bonello très inspiré.

1967 - 1976. La rencontre de l'un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre. Aucun des deux n’en sortira intact.

Bertrand Bonello est donc la vraie étincelle de Saint Laurent. Il choisit de faire des choses avec la mise en scène, de jouer avec le split screen de façon merveilleuse, permettant de donner bien souvent plus d’envergure à son récit. Il joue aussi avec les codes de l’époque, les références cinématographiques (l’utilisation de ce zoom rapide par exemple qui n’est pas sans faire écho aux films de suspense des années 60). Cela peut être anecdotique mais il y a aussi toutes les transitions qui nous permettent de traverser les âges. La plus belle est certainement celle qui se fait sous forme de split-screen entre ce qui se passe à l’étranger (la guerre etc.) et les collections de Saint Laurent qui défilent. Ensuite nous avons le scénario. Il brosse le portrait de l’homme mais ne cherche pas à le rendre comme tout le monde. Après tout Yves Saint Laurent était une star de la mode et reste une icône. Il a toujours dit vouloir rester dans le panthéon des grands artistes, comme les peintres dans les musées et au fond c’est bien l’un des derniers survivants de la haute couture dont la maison s’est même éteinte lors de sa mort, comme pour dire que personne ne pourra être Saint Laurent et capturer sa vision des choses, son souci du détail, sa façon de donner de l’éclat et de l’énergie à ses collections, etc.

Le film se concentre aussi sur les échecs de Saint Laurent (l’échec critique et commercial de sa collection la plus personnelle par exemple), l’empire qu’a bâti Pierre Bergé sans vraiment concerter celui à qui appartient réellement le nom (le parfum, les négociations, etc.). Et puis il y a toute cette part très noir née de sa relation avec Jacques. Une relation tumultueuse, sous acide, tumultueuse, qui l’a complètement perdu et qui l’a aussi fait sombrer peu à peu. La façon dont Saint Laurent tente de mettre tout cela en scène est merveilleux, notamment la scène où Yves se retrouve au 36ème dessous après avoir brisé une bouteille qu’il ne pouvait plus tenir en main. Il y a aussi le sexe. Si le film de Lespert était resté très maigre sur le sujet, avec Bertrand Bonello on plonge dans l’univers des soirées organisées par Jacques, cette visite nocturne des tuileries, cette description de ce qui se déroulait dans ce chantier (très littéraire comme description d’ailleurs). Si côté casting tous les choix n’étaient pas judicieux (Léa Seydoux, Louis Garrell qui porte très mal la moustache, etc.), on ne peut nier le fait que Gaspard Ulliel s’est fondu de façon spectaculaire dans le rôle, sans compter Helmut Berger qui ressemble à s’y méprendre au Yves Saint Laurent de ses dernières années.

Note : 9/10. En bref, un très beau biopic, noir et coloré, avec un Bonello inspiré derrière sa caméra et un Ulliel plus surprenant que jamais.


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