Utilisée par de nombreuses chaînes de télévision américaines, Beat the Traffic est une solution qui permet de diffuser en direct des bulletins de circulation automobile. C’est aussi une application qui permet aux utilisateurs d’éviter les embouteillages.
Nous avons profité de son passage pour lui poser des questions sur son parcours, ses expériences et ses projets d’avenir. De quoi nous donner envie de traverser l’océan pour tenter notre chance !
1. Peux-tu nous présenter ton parcours en quelques lignes ?
Alsacien d’origine, je suis diplômé de Centrale Paris. J’ai aussi une maîtrise en économie de la Sorbonne. Après ma sortie de Centrale, j’ai fait une thèse à Paris 11 Orsay en collaboration avec l’INRIA dans le domaine de l’imagerie médicale et de la reconnaissance des formes. Le goût de la recherche m’est venu après une année de cesure en Allemagne.
En 2001 j’ai fondé Beat the Traffic utilisée maintenant par environ 60 chaînes de télévision aux USA, au Canada et un peu en Europe puis je l’ai vendu en 2012 à Pelmorex, la societe Canadienne qui opère Meteo Media ainsi que The Weather Network.
2. Pourquoi créer ton entreprise ?
C’est la conjonction d’une idée qui me travaillait depuis 2-3 ans et de circonstances économiques et personnelles : je me suis fait licencier deux semaines à peine après avoir découvert que mon enfant avait un handicap. Je me suis alors donné pour « mission » de créer ma société et de persévérer. Toucher le bas m’a fait rebondir en quelque sorte. J’avais en tête l’image de l’oiseau phénix qui renaissait de ses cendres.
Au départ, j’ai suivi trois idées de création de société et au bout de quelques mois, après avoir fait le point sur les échecs, succès, et la « traction » (on y reviendra) de chacun de ces projets, je me suis concentré exclusivement sur celui qui était proche de mon idée de départ autour des animations en temps réel et en 3D des bilans de circulation pour les chaînes de télé.
3. Quels sont les avantages de créer sa société aux Etats-Unis ?
Les avantages principaux de créer sa société aux Etats-Unis, c’est la plus grande disponibilité de fonds de type « seed », une législation du travail un petit peu moins contraignante (encore que ce soit discutable en Californie) et peut-être aussi les acheteurs sont un peu moins frileux et mieux disposés à acheter un produit innovant d’une société pas encore éprouvée ni connue.
Par ailleurs, le marché potentiel est plus grand et il y a aussi, je pense, de meilleures possibilités de « sortie », c’est-à-dire plus d’acheteurs pour votre société et à des meilleurs prix si vous souhaitez la vendre.
4. Comment as-tu levé de fonds aux Etats-Unis ?
J’ai demandé et obtenu une subvention de recherche de la National Science Foundation (qui se rapproche de la « seed money » dont j’ai parlé plus haut) qui s’élevait à 500 000 dollars. Les chances d’obtenir cette subvention étaient de 3% mais les autres modes de financement étaient également difficiles à obtenir!
5. Quels sont les avantages et les inconvénients de créer une entreprise tout seul ?
Je pense à la métaphore de la mise en orbite d’une fusée. Il faut une quantité de poussée énorme pour échapper à la gravité et pour moi, lancer une société c’est un peu ça.
Curieusement, l’image que tout le monde utilise est celle de la « traction » d’une automobile ou d’une locomotive car sans traction on fait du sur-place ou on s’enlise dans la boue. Mais je préfère l’idée de la poussée et de la fusée parce que je veux aller vite aussi.
Il faut peut-être plusieurs types de carburants (solide ou plus liquide) ou bien un seul carburant, mais l’essentiel est de surpasser la gravité et de ne pas retomber trop tôt en se crashant.
Avec plusieurs partenaires, on a potentiellement plus de types de carburant et plus de poussée, à supposer que les partenaires travaillent de concert, mais c’est aussi une machine plus complexe, qui a peut-être plus de chance d’exploser en vol. « Small is beautiful ».
Sans l’avoir vécu moi-même jusqu’a présent, mais après avoir écouté des amis qui ont vécu cela, je crois que le choix des partenaires est très difficile en fait, c’est un vrai art. Car il faut savoir sentir qui serait le partenaire idéal. Et il y a aussi l’art et la manière de structurer la société, les parts, le vesting. Beaucoup d’écueils potentiels.
6. Quand faut-il recruter ?
Un bon PDG recrute en permanence pour sa société car à tout moment une personne clé peut décider de partir pour tenter sa chance ailleurs.
Ceci dit, au tout début, hormis le recrutement des partenaires potentiels qui a priori recevront de l’equity et pas forcément un salaire tout de suite, il faut être prudent avant de recruter les premiers employés qui toucheront eux un salaire tous les mois (ou plutôt, en Californie, toutes les 2 semaines) et pour lesquels il est capital de respecter le droit du travail en place.
Mais quand le « seed money » tombe alors oui, on peut recruter tout de suite!
7. Pourquoi as-tu choisi de vendre ton entreprise ?
Beat the Traffic a une technologie remarquable et un joyau de produits que 60 chaînes de télévision adorent. Mais nous étions challengés au niveau financier car deux sociétés suivies d’une troisième société qui évoluait sur le même marché avaient levé des sommes d’argent considérables (de l’ordre de 70 millions de dollars) et allaient rapidement devenir un vrai danger pour nous. J’ai vu une opportunité et je l’ai saisie.
8. Quelles sont tes activités actuelles et tes plans pour l’avenir ?
D’une part je prends un petit break, ce qui m’a permis d’écrire un livre qui va sortir très bientôt aux Etats-Unis et en France aussi, je l’espère. Ce livre est intitulé « Réussir dans la Silicon Valley ». Il évoque les questions évoquées ici et approfondit également les questions de recherche de fonds, de croissance, de culture d’entreprise, etc.
J’étudie aussi la musique au Community College local. C’est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps. C’est surtout pour mon propre plaisir (plus que pour interpréter mes chansons en public). Pour l’instant j’ai écrit quelques chansons et compositions. On peut les écouter sur www.soundcloud.com/SoundOfAndre pour les personnes intéressées.
Enfin je suis assez actif come « Angel Investor » aux USA. Je participe fréquemment à des tables rondes et je suis aussi actif dans deux « Angel Groups ». Jusqu’à présent je n’ai investi que dans des sociétés de droit américain (mais les fondateurs peuvent avoir diverses nationalités, y compris Française!) et dont l’adresse physique est assez proche. J’investis dans ce que je connais … pour l’instant.