Quand ce n’est pas la Poste, ou, bien plus fréquent, l’une des sociétés de transports publics du pays, c’est Air France qui se rappelle aux bons soins des usagers (vaguement clients) en faisant l’une ou l’autre grève dont elle a le secret. Et cette semaine, nous en entamons la deuxième, dans la joie, la bonne humeur et les intimidations syndicales.
Et pour la bonne humeur, il suffira de se rappeler que, pour une fois, le personnel naviguant a eu l’extrême onctuosité de prendre ses clients en otage hors des vacances scolaires, ce qui est, on peut le dire, une vraie amélioration par rapport aux précédentes interruptions volontaires de travail d’une certaine catégorie de syndicalistes privilégiés, comme en juin dernier où le personnel de piste avait posé l’option farniente à l’orée des grands départs estivaux, les petits malins.
Comme à l’accoutumée, les raisons de la grève sont un peu confuses mais peuvent être résumées en quelques lignes : confrontée à une baisse de sa rentabilité, la compagnie Air France a récemment dévoilé l’un de ces plans stratégiques qu’elle nous mitonne de temps en temps pour tenter de s’adapter au marché. Dans le cas d’espèce, Air France souhaite développer Transavia, sa filiale low-cost, dont les conditions contractuelles pour les pilotes sont assez différentes de celles actuellement en vigueur dans la compagnie-mère. Bien sûr, c’est un plan qui vient s’ajouter aux nombreux précédents pour tenter de conserver ses parts de marché, en érosion notable due à l’arrivée des concurrents low-cost, et à des coûts de structure importants que n’ont pas forcément ni les low-costs, ni ses autres concurrents plus traditionnels.
En substance, avec les émoluments et autres avantages importants, les pilotes représentent une masse salariale lourde à porter pour une entreprise maintenant sous les feux de la concurrence acharnée dans le ciel européen et mondial. Et force est de constater qu’ajouter les avantages surprenants (le nombre d’heures de vol effectif par pilote d’Air France est l’un des plus bas d’Europe) aux coûts salariaux typiquement français (bonjours les cotisations, salut les taxes, bisous le code du travail) revient à accrocher un gros boulet à l’aile de la compagnie tricolore.
Pour rappel, les pilotes d’Air France volent environ 20 à 25% de moins que leurs homologues européens de Lufthansa ou de British Airways, et (évidemment) encore moins que les pilote d’easyJet ou de Ryanair. Et si l’on compare les pilotes Air France avec ceux de Transavia, leur coût horaire, dont le salaire brut annuel oscille entre 75.000 et 250.000 euros selon le grade, l’ancienneté et l’affectation, est 40% plus élevé chez Air France que chez Transavia.
Ici, normalement, on se doit d’introduire un petit couplet sur l’importance de la bonne négociation entre la direction et les syndicats, avec un petit rappel pour le nécessaire dialogue social, et sur le fait que le droit de grève, imputrescible, indépassable et indispensable dans toute société démocratique qui se respecte gnagna Constitution gnagna droit inaltérable. Certes. Mais dans une compagnie où toutes les autres catégories de salariés, en particulier les personnels au sol, ont déjà dû consentir à de lourds sacrifices, les pilotes ont évidemment un peu plus de mal à justifier leur résistance au changement, d’autant que les conditions proposées sont assez loin de l’esclavagisme ou de la Bête Humaine… D’autant plus que cette grève s’ajoute à des bilans franchement médiocres d’une compagnie qui était sur le point de retrouver un peu de rentabilité.
Cependant, à la grogne des passagers qui monte gentiment, à la perte additionnelle de crédibilité d’une compagnie qui, encore une fois, montre au reste du monde ce merveilleux système social qu’il nous envie de façon toujours plus tiède, à la perte, plus douloureuse encore, d’exploitation de ces jours chômés à regarder les autres compagnies récupérer les clients, à ces problèmes, donc, doivent s’ajouter ces comportements si délicieusement typiques des syndicats français aux premiers rangs desquels on trouve la délation et l’intimidation.
En effet, pour les lecteurs les plus naïfs, qui croiraient trop gentiment que ceci n’est qu’un petit dérapage sans conséquence, il est nécessaire de rappeler que non, les exactions syndicales ne sont pas du tout épisodiques ou rares, mais font bien partie de la norme dans ce pays et constituent même, en dernière analyse, l’un des problèmes les plus aigus qui explique certainement une bonne partie des raisons pour lesquelles ce pays continue à s’enfoncer, mollement mais avec détachement, dans une mouise épaisse et collante.
De la même façon que le jusqu’au-boutisme ridicule des syndicats a fini par mettre Alitalia dans une passe fort difficile il y a quelques années, peu d’efforts sont nécessaires pour imaginer que les actuelles grèves à Air France, dont tout indique qu’elles s’enveniment, ne vont absolument pas résoudre les problèmes structurels lourds et permanents que l’entreprise s’évertue à corriger depuis sa privatisation et l’ouverture complète du ciel français à la concurrence. Pire, en plus d’aggraver une situation financière délicate, elles vont continuer d’abonder à l’idée, déjà bien en place, d’une compagnie peu fiable au rapport qualité-prix de moins en moins pertinent avec ce que le reste du marché propose. C’est, évidemment, une petite catastrophe qui se joue actuellement sous nos yeux.
Enfin, à l’heure où tant d’individus, en France, ont tant de mal à simplement finir le mois, ou pire encore, à payer leur dernier tiers provisionnel, les geignements des pilotes d’Air France ajoutent une bonne dose d’indécence à l’agacement palpable des Français devant ce genre de mouvements.
Pas de doute : la gréviculture française continue, et la saison 2014 débute en fanfare.
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