Il pleuvait des oiseaux

Publié le 22 septembre 2014 par Adtraviata

Présentation de l’éditeur :

Une photographe du Herald Tribune part réaliser un reportage sur la région québécoise du Témiscamingue, dont les forêts ont été ravagées par de gigantesques incendies au début du XXesiècle. Elle y trouve une communauté de marginaux fantasques et solitaires, dont Tom et Charlie, deux vieillards qui ont survécu à l’incendie et vivent en ermites au fond des bois. D’abord méfiants puis déterminés à aider la photographe dans son enquête, les deux hommes voient leur quotidien chamboulé. Et, soudain, lorsque arrive Marie-Desneige, octogénaire énigmatique tout juste échappée de sa maison de retraite, la vie, puis contre toute attente l’amour, reprend peu à peu ses droits. Superbe récit, lumineux et tendre, Il pleuvait des oiseaux nous entraîne au plus profond des forêts canadiennes, où le mot liberté prend tout son sens, et l’émotion, brute et vive, jaillit à chaque page.

"T’as pas de vie à toi pour t’intéresser autant à celle des autres ?" lance un peu méchamment Charlie à la photographe page 165. Heureusement qu’elle n’a pas eu peur de les trouver, Charlie et Tom, ces deux vieux partis se cacher au fond des bois, et que petit à petit leur vie à eux se dévoile, comme un trésor que révèle la neige qui fond à la fin de l’hiver. De la neige , il y en a aussi qui couronne la tête de Marie-Desneige, la douce petite dame à qui on a volé sa vie. Il y a aussi le feu, les Grands Feux de 1916 qui ont hanté Ted pendant toute sa vie, ce qui ne l’a pas empêché de vivre lui aussi dans une cabane au fond des bois, enfoui dans la nature sauvage et grandiose quelque part au Québec.

La photographe qui n’a pas de nm, ce pourrait être l’auteure elle-même, Jocelyne Saucier, qui donne vie à ces trois compères hors du commun, dont le roman porte le titre de l’exposition que fera la photographe et qui a expliqué lors du tout récent Festival America qu’elle a elle-même une tant à qui on a "volé sa vie" : le livre lui est dédié, pour que tous ceux qui tourneront ses pages voient son nom imprimé comme une reconnaissance de son existence bien réelle.

Ce roman est réjouissant, rafraîchissant, empreint d’une tendresse et d’un respect profonds pour les choix de vie de ses héros et héroïnes. Anti-héros, pourrait-on dire ? Il faut oser mettre en scène trois hommes très âgés, une vieille dame un peu perdue qui les rejoint par hasard et leurs quelques amis marginaux eux aussi, leurs existences cabossées qui osent retrouver un second souffle dans la clandestinité. Il faut oser laisser planer sur le récit l’ombre de la mort, mais toujours en toute simplicité et sérénité. Et puis il y a cette nature omniprésente elle aussi, la rigueur de l’hiver, la rudesse de la vie en cabane, l’émerveillement devant un vol d’outardes, un orignal qui vient s’abreuver au lac ou un discret bouquet printanier au pied d’un arbre.

Vous l’aurez compris, ce récit, qui est aussi un roman d’amour très touchant, se savoure lentement, au rythme des personnages qui prennent tout leur temps pour vivre, au gré de la langue à la fois pudique et poétique de Jocelyne Saucier, une auteure très sympathique dont, après ce joli coup de coeur, j’ai très envie de lire les romans précédents !

Jocelyne SAUCIER, Il pleuvait des oiseaux, Denoël, 2013

Les beaux billets d’Argali, Aifelle et Karine

   


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