Parvenir à détecter l’activité neuronale avec la lumière plutôt que par l’électrophysiologie traditionnelle, c’est le défi de ces chercheurs qui publient à la fois dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS) et dans la revue Nature Communications. Leurs travaux devraient permettre, à terme, de visualiser clairement les circuits du cerveau en action, dès la « mise à feu » du premier neurone jusqu’à l’activation d’un réseau entier qui va entrainer une action ou un comportement.
Pour obtenir cette cartographie complète, les neuroscientifiques, dont Viviana Gradinaru et Frances Arnold, du département Biology and Biological Engineering de Stanford ont dû développer toute une gamme de nouveaux outils.
Le principe : Quand un neurone est au repos, les canaux et les pompes dans la membrane de la cellule maintiennent un équilibre spécifique entre ions positifs et négatifs à l’intérieur et à l’extérieur de la cellule permettant une tension stable de la membrane appelée « tension de la cellule au repos ». Mais lorsque la cellule détecte un stimulus, comme un parfum ou un bruit, alors un flux d’ions passe à travers les canaux de la membrane, qui s’ouvrent, ce qui entraine une variation de la tension de la membrane. Ce changement de tension est le signe d’une impulsion neuronale et d’une activation du réseau. L’outil développé les chercheurs détecte ces impulsions et ces variations de tension.
Détecter l’activité neuronale par la lumière nécessitait un capteur très rapide, car ces impulsions ne durent que quelques millisecondes, expliquent les chercheurs. Il fallait aussi pouvoir étudier simultanément de multiples neurones pour pouvoir visualiser un réseau entier. Les chercheurs ont utilisé et optimisé -par de nombreuses et complexes expériences sur des neurones de rats en culture (Visuel du haut)- une protéine nommée Archaerhodopsin (Arch), sensible à la l
umière et par optogénétique, en conférant une « luminosité » aux neurones génétiquement modifiés, les chercheurs ont pu contrôler et visualiser l’activité des cellules ainsi que les comportements associés à ces activations.La technique permettrait de détecter les perturbations dans les réseaux neuronaux : Les auteurs expliquent : » Nous voyons parfois 2 cellules qui s’allument mais pas la troisième parce que les deux premières sont bien reliées par des synapses mais pas la troisième. Et la perturbation d’une cellule affecte l’autre.
Visualiser l’activité neuronale dans un organisme vivant: Sur le ver C. elegans utilisé pour sa similarité génétique et ses tissus presque transparents, exposé à une substance odorante, les chercheurs observent un signal de fluorescence de base et au retrait de la substance odorante le circuit de neurones qui s’allume (Voir visuel), ce qui signifie que ces neurones particuliers sont réprimés en présence du stimulus et actifs en l’absence de stimulus. Un tout premier pas pour mieux comprendre les réseaux neuronaux complexes des mammifères, « même s’il reste encore beaucoup de travail à faire ». Car si la fluorescence de la protéine peut être observée à travers les tissus transparents du ver C. elegans, cette observation reste un défi dans les organes opaques que sont les cerveaux des mammifères.
Sources:
Nature Communications 15 September 2014 doi:10.1038/ncomms5894 Archaerhodopsin variants with enhanced voltage-sensitive fluorescence in mammalian and Caenorhabditis elegans neurons