Leviathan, prix du scénario à Cannes

Prix du scénario à Cannes cette année, Léviathan nous avait agréablement surpris. Notre avis.

CANNES se veut parfois le lieu idéal pour exposer, sans tabous, les situations sociales du monde avec souvent une rare justesse. Arrivé en fin de compétition sur la Croisette, le cinéaste Andreï Zviaguintsev (Elena) nous avait donc agréablement surpris avec son nouveau long-métrage, Léviathan, une critique manifeste des fractures de la Russie actuelle.

A travers le regard de Kolia, citoyen modeste acculé dont on essaye par tous les moyens d’acheter la parcelle de terrain, et porte-parole évident du peuple russe, le cinéaste brosse un tableau noir, pessimiste et hélas réaliste, de son pays, en un peu moins de deux heures et demie. Grâce au récit de survie de son personnage, qui se bat pour garder ses propriétés malgré les pressions frontales, Andreï Zviaguintsev soulève des sujets fondamentaux (la reconstruction d’une famille, les douleurs qui en découlent, la lutte des classes, l’injustice du pouvoir et surtout la corruption politique et religieuse) et conserve un ton piquant et cynique, parfois parsemé d’un humour acide, qui évite au film de sombrer dans une noirceur bien trop pathétique. Bien plus que de s’attaquer à la justice russe branlante, Léviathan crève l’abcès et s’attaque habilement à la gouvernance d’un président dont la réputation, ternie par les abus de pouvoir, propage et inflige ses douloureuses conséquences jusqu’aux extrémités du territoire russe, et étouffe progressivement le peuple. Le scénario intelligent, écrit par Zvinguintsev lui-même, oscillant entre clarté et luminosité et servi par une mise en scène efficace, est donc l’atout majeur de cette œuvre honnête et incisive, qui repartait justement de Cannes avec le prix du scénario. Avec le recul, on se demande vraiment comment la puissance Léviathan n’a pas pu susciter plus de controverse.