Dans la vie, il y a des choses qui perdurent, des moments de nostalgie qu’on entretient via l’imaginaire. Depuis l’adolescence et la grande époque du Biactol, des D20 (dé à 20 faces utilisé par une espèce proche de l’extinction, les rôlistes), de la forêt de Tom Bombadil (qui m’a endormi avant d’atteindre le deuxième tome du « seigneur des anneaux »), j’ai toujours lu (plus ou moins) de la Fantasy.
Je l’accorde à ses détracteurs, on y trouve : régulièrement du manichéen, souvent des longueurs (je ne vise aucun auteur barbu à casquette « style pêcheur ») et très très souvent un sentiment de « déjà lu ».
C’est pourquoi, j’aimerais vous parler de Joe Abercrombie et de l’un de ses ouvrages intitulé « Les Héros ».
Nouvellement intronisé au sein des Grands Auteurs de la Fantasy, cet écrivain hors normes casse allègrement les codes et styles propres au genre. Dans « les Héros », troisième ouvrage de l’artiste (si l’on considère la trilogie « la première loi » comme un livre unique), l’auteur développe son univers (pas ultra dépaysant), tout en adaptant sa narration au souffle (la couleur pour nos amis musiciens) qu’il veut donner.
Je m’explique ; dans son cycle « la Première loi » (fruit d’une probable gestation longue et douloureuse), Abercrombie reste dans une structure très « fantasy épique », cela lui permet de planter son univers et d’introduire (parfois de façon très brève) une foultitude de personnages.
Dans le deuxième livre intitulé « Servir froid », il part sur un développement de la vengeance, avec un découpage très rythmé (comme dans une série TV). Dans l’œuvre qui nous intéresse ici, il utilise les règles du roman de guerre (avec des descriptions topographiques, des cartes…).
Sa relation privilégiée avec le 7ème art explique sans doute cette évolution de narration et le souhait de procurer une nouvelle expérience à chaque nouvel « épisode ».
Avec ce ton qui lui est propre, l’auteur nous narre, sur 670 pages, une bataille d’une durée de trois jours. Sur le pitch, on a une réminiscence de « Légende » (de feu David Gemmell), mais là s’arrête la comparaison. En effet, chez Abercrombie tout est gris, sale (là, je modère !), le cynisme est roi et l’intérêt personnel domine.
Dans un langage très actuel (qui pourra en rebuter certains), il nous entraîne dans une bataille épique à l’aide d’une structure en regards croisés. Nous passons joyeusement du soldat plein de désillusions, à la jeune intrigante en passant par l’adolescent plein d’espérance et de romance.
Très vite, nous accompagnons les personnages dans un tourbillon de violence et de bassesse où ça tranche, ça éclate, ça hurle et ça se pisse dessus. Certains vous diront que c’est un peu facile, que la Dark Fantasy on connaît (merci la Compagnie Noire de Glen Cook)… mais pour ma part, je n’ai jamais ressenti une telle justesse, un tel réalisme dans un roman de fantasy (Ce que beaucoup trouveront dérangeant). Certes le propos « porté » n’est pas d’une profondeur confucéenne, mais ce n’est pas le but des « Héros » (vous aurez enfin compris le mauvais humour du titre).
Ce qui d’un premier abord pourrait passer pour de la violence gratuite et de la surenchère n’est, à mon sens, là que pour donner une réalité et une profondeur à des situations et des actions trop souvent édulcorées et « romantisées».
Enfin bref, vous allez me dire que finalement je n’ai pas raconté grand-chose du bouquin, mais cela n’a aucun intérêt.Je ne suis pas là pour vous faire un résumé, mais pour partager ce que j’ai vécu avec ces quelques pages.
Ce roman est censé faire vibrer son lecteur et moi je suis rentré en résonance avec le récit. Qu’on aime ou pas, qu’on le finisse ou qu’on l’abandonne sur une étagère, au moins vous aurez vécu une expérience originale qui aura dépoussiéré vos préjugés sur le genre.
Alors je vous conseille de faire comme moi :
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Vous pleurez quand vous l’achetez (Après avoir lâché 30€ à Bragelonne).
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Vous ne lisez surtout pas la quatrième de couverture. Malheureux, ça va vous gâcher le récit.
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Puis, vous vous laissez entraîner dans le Chaos et la fureur…