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des retrouvailles...décevantes

Publié le 22 septembre 2014 par Dubruel

d'aprés ADIEU de Maupassant

Ah ! Je vieillis.

Ça va vite la vie !

Voici douze ans environ,

J’avais rencontré à Menton

Une jeune femme mariée. J’étais pincé

Comme je ne l’avais jamais été.

Elle me ravageait le cœur.

Je ressentais un incroyable bonheur.

Voir les cheveux de sa nuque soulevés

Par la brise me ravissait.

Ses moindres mouvements m’affolaient.

Son époux venait

La retrouver les samedis

Et repartait tôt les lundis.

Je ne lui accordais

D’ailleurs aucune importance,

Et n’avais pour lui qu’indifférence.

Comme elle était belle, elle !

Comme je l’aimais, elle !

Notre amour dura deux mois.

Puis un jour, j’ai dû la quitter.

(Une affaire d’héritage m’appelait à Angers)

J’avais le cœur brisé.

Mais sa pensée dura en moi.

Elle me possédait de loin

Comme je l’avais possédé de près.

Les années passaient. Je ne l’oubliais point.

Douze ans sont si peu de chose dans la vie !

On ne les sent guère passer !

Elles vont l’une après l’autre, les années,

Doucement et vite, lentes et pressées,

Longues et sitôt finies !

Or hier soir, j’allais diner

Chez des amis au Vésinet.

Au moment où le train partait,

Une grosse dame est montée.

Elle s’installa dans mon compartiment

Escortée de quatre enfants.

Je commençais à lire

Quand elle me lança ;

-« Pardon, n’êtes-vous pas M. de Vidame ? »

-« Mais, oui, madame. »

Elle se mit à rire :

-« Vous ne me reconnaissez pas ? »

-« Je vous connais certainement

Mais je ne retrouve pas votre nom. »

J’avais vu ce visage, mais où ? Quand ?

Elle s’exclama :

-« Julie Caron ! »

Cette grosse et commune femelle,

C’était elle !

Elle avait pondu

Quatre fois depuis que je ne l’avais vue

Je la regardais, effaré.

-« Ai-je tellement changé ?

Vous voyez, je suis devenue mère,

Rien qu’une mère.

Adieu le reste, c’est fini.

Vous avez changé, vous aussi.

Songez. Voici douze ans !

Douze ans ! »

Nous arrivions au Vésinet.

J’avais été trop bouleversé pour lui parler,

Et même pour lui dire adieu.

Quand je fus rentré,

Je me suis regardé

Dans le grand miroir

Fixé au mur de mon boudoir :

Oui, j’étais vieux.


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