Sarkozy trébuche sur France 2

Publié le 22 septembre 2014 par Juan


Pour son premier meeting de campagne depuis mai 2012, il a choisi Lambersant, dans le Nord. Mais pour ce meeting, comme pour toutes ses autres agitations électorales à venir, on se posera tous la même question: qui paye ? Cette question, essentielle dans un régime démocratique, est justement celle à laquelle Sarkozy et ses proches se sont obstinés à ne pas répondre.


Que chacun soit convaincu de la force et de la sincérité de mon engagement au service de la France.
Nicolas Sarkozy (@NicolasSarkozy) September 19, 2014

Parti socialiste, Front de gauche, écologistes, et même Front national, tous les autres mouvements politiques sont passés, avec succès, sous les fourches caudines des enquêteurs sur les comptes de campagne. A l'UMP, on a découvert une affaire gigantesque.
Pourquoi les journalistes adorent
Pourquoi le Nord ? Chez Sarko, on explique qu'un meeting ne perturbera pas les élections sénatoriales car ce département n'est pas concerné par le renouvellement de la fin du mois. Le maire de Lambersant est aussi un proche. Enfin, le Nord est l'un de ses départements frappés par le désespoir et la peste brune.
Jeudi soir, les journalistes, nombreux, se presseront à Lambersant. Sarkozy est toujours un bon spectacle. C'est une bête de foire, son attractivité est intacte.
Et les médias, comme les blogueurs, ont besoin d'audience
L'effet BurgerKing, rappelé récemment par Marianne pour une autre occasion, va encore frapper. Tout le monde se presse, attiré par le buzz et les dépenses marketing. On fait la queue pour assister au spectacle. Puis chacun découvre que ce n'est que du déjà-vu. Dans le cas de BurgerKing, le retour en France l'an passé provoqua d'innombrables et absurdes queues pour acheter ... du burger industriel. Dans le cas de Sarkozy, il s'agit de la même excitation... pour du Sarko. Le "produit", depuis 2012, n'a pas changé.
Qui va payer les factures ?
La fin du quinquennat précédent fut polluée par une séquence épuisante sur le financement de la Sarkofrance toute entière, à la faveur des révélations de l'affaire Bettencourt puis de la guerre en Libye. Même Carla Bruni-Sarkozy ne fut pas épargnée.
Puis, la triche aux comptes de campagne sanctionnée par le Conseil constitutionnel. On se souvient du Sarkothon, déclenché un 6 juillet 2013. Nicolas Sarkozy postait déjà sur Facebook un message à ses supporteurs. Il était indigné qu'on lui refuse le remboursement par les contribuables de 11 millions d'euros sous prétexte qu'il avait triché sur les dépenses et dépassé le plafond légal. Et encore, le Conseil avait été clément, en refusant de requalifier l'intégralité des frais d'un meeting mémorable payé par l'UMP et la République à Toulon, en décembre 2011.
Puis, vint l'affaire Bygmalion, du nom de cette agence de communication politique fondée par deux proches de Jean-François Copé qui sous-factura ses prestations de la campagne de 2012 pour mieux surfacturer l'UMP de collaborations bidons ou sur-payées.
Et maintenant ?
Un membre du Conseil constitutionnel président d'un parti ?
Non content d'avoir facturé plusieurs centaines de milliers d'euros pour des conférences auprès de banques et même d'Etats étrangers, Nicolas Sarkozy envisage donc de présider l'UMP. Il a lancé un appel aux parrainages, pour pouvoir concourir.
Nul doute qu'il les obtiendra. Mais nombreux ont été les observateurs du weekend à remarquer que présider un parti politique était incompatible avec l'appartenance de droit au Conseil Constitutionnel.
"Certes, Nicolas Sarkozy a décidé de ne plus y siéger, mais il peut à tout moment revenir sur sa décision. Tout comme il vient de revenir sur sa parole de se retirer de la vie politique en cas de défaite en 2012. (...) Un autre problème juridique se pose, puisque l’article 2 du décret du 13 novembre 1959 relatif aux obligations du Conseil constitutionnel interdit à ses membres 'd’occuper au sein d’un parti ou groupement politique tout poste de responsabilité ou de direction'." Le Parti de Gauche
Un candidat devant les juges ?
Sarkozy innove. Aucun des précédents candidats à la présidence de la république n'était autant inquiété par la justice avant l'élection.
Même le Figaro s'en est inquiété.
"• L'affaire des écoutes
• Le supposé financement libyen de la campagne de 2007
• L'affaire Bygmalion
• L'affaire Tapie
• L'affaire des sondages de l'Élysée
• L'affaire Karachi
• Soupçon sur un meeting à Toulon fin 2011  
• Des pénalités réglées par l'UMP au lieu de Sarkozy"
Que Sarkozy propose-t-il ?
Dimanche soir, France 2 avait réservé quarante minutes de son antenne en prime time pour le Grand Retour. Il y eut deux surprises de taille.
L'homme semblait d'abord mal à l'aise. Il trébuche sur ses mots, rate ses formules choc, peine à trouver des exemples concrets. Sarkozy manque d'entrainement. Il hésite devant les premières images que France 2 lui inflige, son discours d'adieu du 6 mai 2012. Il confie l'improbable: "C'est la première fois que je revois ces images."  Sarkozy bafouille ensuite, c'était surprenant. Il manque d'inspiration, alors qu'on l'imaginait préparé.
A deux reprises, il demande qu'on lui prête des neurones.
"Est-ce que vous me prêtez deux neurones dans ma tête ?"
"Est-ce que vous prêter deux neurones d'intelligence ?  "
Il enchaîne sur un second mensonge: "Je n'ai jamais cru en l'homme providentiel." Quarante minutes durant, son propos prouve tout le contraire ! Sarkozy n'arrive qu'avec son expérience présidentielle, notamment pendant la Crise- qu'il répète à de nombreuses reprises - ou ses voyages depuis deux ans ("Je voyage beaucoup à l'étranger").
Sarkozy trébuche sur des mots. Mais il conserve sa rancoeur. Sa machoire se crispe quand il évoque "Monsieur Hollande". Il n'ose l'appeler de sa fonction, "président de la république":
"Je ne dis pas que c'est la faute uniquement de Monsieur Hollande."

"J'ai été battu de si peu."
"Monsieur Hollande pense tout le mal de moi, je ne pense rien de lui".
Quand Delahousse lui demande s'il va se contenter de la présidence de l'UMP, Sarkozy élude mal, et confirme son narcissisme: "Il faut bien qu'il y ait un leadership, il faut bien qu'il y ait un symbole."Il se voit au-dessus des partis, forcément.  Sarkozy se voit, s'explique, se présente, se vit comme l'homme providentiel.  Il résume:
"Non seulement, j'en ai envie. mais je n'ai pas le choix."
Car, seconde surprise, Sarkozy venait vide de propositions.  Il annone des grands principes, évidemment conservateurs, il n'ose même pas se prononcer sur le mariage gay - dernière question piège du journaliste.  Il plaint la France, s'inquiète pour ses riches - "La question n'est pas de savoir si on fait des cadeaux aux riches ou pas ?" - mais il ne dit rien de précis, pas une mesure, pas une idée nouvelle.
Et à la fin, à quelques secondes de rendre l'antenne, il conclut par un appel au référendum si jamais il revenait aux affaires.
La belle idée !
Sarkozy fustige les corps intermédiaires.  Nous étions déçus. L'ancien monarque recyclait les propositions de l'ancien candidat de 2012.
Sans rire.