Le 11 février 1950, une loi crée le SMIG, salaire minimum interprofessionnel garanti. Deux ans plus tard, le gouvernement Pleven instaure l’échelle mobile des salaires, qui indexe le Smig sur la hausse des prix. En 1970, Jacques Chaban-Delmas transforme le Smig en Smic, avec un C comme croissance. Le but est de permettre à ce minimum vital de suivre l’évolution du salaire moyen. En 1982, on substitue dans la réévaluation du Smic le taux d’inflation à la hausse des prix.
Je me hasarde ici à un petit écart du côté des retraites. La pension de retraite étant un salaire différé, il ne me semblerait pas anormal de la voir évoluer comme un salaire. Affirmer qu’une inflation quasi nulle rend une augmentation des retraites sans objet me paraît audacieux. Et, devant l’émotion suscitée par cette décision, annoncer comme l’a fait Manuel Valls une prime forfaitaire de 40 euros pour les pensions d’un montant inférieur à 1200 euros n’est pas très digne. De plus, cet énoncé qui relie une prime unique à un montant mensuel masque le fait qu’elle ne sera versée qu’une seule fois. Grâce à cette munificence, pendant toute une année, les bénéficiaires pourront donc, chaque mois, s’offrir une folie pour 3,3 euros. Si cette libéralité est coûteuse pour l’État, ce n’est pas par son montant, mais parce que le nombre des retraités concernés est malheureusement important.
Voir des gens subsister avec des revenus aussi peu importants amène peut-être Pierre Gattaz à penser que le Smic est scandaleusement trop élevé. Il n’hésite donc pas à demander qu’il soit permis de faire travailler des salariés en dessous du Smic, à rebours de toute l’évolution de notre société depuis 3 siècles. S’il est possible de vivre avec un salaire inférieur au Smic, qu’attend donc ce valeureux entrepreneur pour s’administrer semblable régime ? Je clorai cette première réaction à ses souhaits rétrogrades par une petite fable.
Il était une fois un meunier qui utilisait un âne pour transporter ses sacs de farine. Considérant que l’animal lui coûtait trop cher en foin, le meunier entreprit de réduire sa ration quotidienne. L’âne n’était guère content mais, impuissant, continuait à accomplir sa tâche. Voyant cela, le meunier poursuivit sa politique d’économie et l’âne, de plus en plus faible, s’acquittait néanmoins de sa tâche. Le meunier fit tant et tant qu’un triste jour l’animal rendit le dernier soupir. « Quel dommage, s’écria son bourreau, juste au moment où j’allais établir que l’âne pouvait travailler sans rien manger ! »