Les choses de la vie - 7,5/10

Un film de Claude Sautet (1970 - Suisse, Italie, France) avec Michel Piccoli, Romy Schneider, Léa Massari, Jean Bouise, Gérard Lartigau

Un drame glaçant.

L'histoire : Un accident de voiture. Puis la bobine fait marche arrière. Générique. Nous nous retrouvons avant l'accident. Paul est en couple avec Hélène ; ils sont très amoureux et projettent de partir s'installer en Tunisie. Mais Pierre a encore un peu de mal à tourner la page de sa première vie et s'agace parfois de la hâte de sa jeune maîtresse. Dans sa mémoire traînent encore des souvenirs de famille heureuse, de vacances, de bateau, d'un fils qu'il ne se souvient pas avoir vu grandir...

Mon avis : Un très beau film, sans doute le plus célèbre de Claude Sautet. Je ne l'avais pas vu depuis que je suis gamine, ça fait donc un bail. J'étais très enthousiaste à l'idée de le revoir, de constater si ça avait vieilli ou pas, si c'était aussi terrible que dans mon souvenir. Réponses : non, ça n'a pas vieilli (sujet universel ; mise en scène moderne) ; oui, c'est terrible. Pas mélo, mais diablement triste.

J'aime ces films qui jouent avec le "destin", et les accidents, heureux ou malheureux, qui viennent soudain donner à votre vie une autre direction, à laquelle vous n'auriez jamais pensé. Ici nous avons un homme entre deux histoires, un mariage qui s'est terminé, mais qui est encore riche de souvenirs, une jeune maîtresse dont il ne sait pas encore s'il veut vraiment tout refaire avec elle ; un fils qu'il avait un peu perdu de vue et avec lequel il a envie de renouer plus profondément ; un père dont il réalise soudain l'âge, sur lequel il va devoir veiller un peu, beaucoup... C'est dans sa voiture, après une dispute avec Hélène, que Pierre prend le temps de réfléchir à toutes ces petites "choses" de la vie qui en font le sel, et que tout décante enfin dans son esprit. A la croisée des chemins, il sait maintenant avec conviction quelle est la direction qu'il va désormais prendre. A la croisée des chemins, pourtant... c'est autre chose qui l'attend. C'est beau, c'est tragique, c'est la vie. Nous sommes si peu de choses. 

La mise en scène est très élégante. Le film alterne les séquences sur la vie de Pierre et des images de l'accident au ralenti. Au fur et à mesure que l'intrigue se développe et que les enjeux se dessinent, on se prend cruellement au jeu : non, il ne va pas mourir ? pas maintenant ? Un puissant moteur pour vous emmener jusqu'au bout de l'histoire ! Très belle séquence pour amorcer le dernier quart : l'accident, avant : les petits camions et Pierre qui avancent tous les trois vers le carrefour ; pendant : le choc, la voiture qui fait des tonneaux ; après : une voiture en feu, un homme étendu dans l'herbe. D'abord au ralenti (c'est un cauchemar) puis à la vitesse normale (purée, c'est la vraie vie...).

Par contre, la séquence qui va de Pierre étendu à terre jusqu'à l'arrivée des secours, le transfert à l'hôpital jusqu'à la fin du film est un peu longuette... Même si les pensées de Pierre, que nous entendons, sont terriblement émouvantes. On s'imagine là, comme lui, blessé, essayant de reprendre nos esprits, sans pouvoir bouger, flottant dans un néant où l'on revoit les visages aimés, où l'on dresse d'urgence la liste des choses à faire dès que ça ira mieux... Trop longues aussi les scènes de l'hôpital : d'excellentes choses (la lettre), mais d'autres assez inutiles.

Sautet aurait par exemple pu nous épargner, juste après l'accident, ces gens qui regardent, c'est tellement obscène ! Puis qui se sauvent parce qu'il pleut ! Les gros c... Sautet voulait sans doute dénoncer ce voyeurisme abject, mais ça ne servait à rien, ni à nous, ni à son film. Agaçantes aussi les scènes des médecins qui s'interrogent, qui regardent les radios... le "suspense" devient trop instrumentalisé.

Mais en dépit de ce dernier quart d'heure un peu mal fichu, c'est quand même un très beau film.

Anecdote : punaise, qu'est-ce qu'on clopait, dans les années 60/70...