Tshishikushkueu,
Femme de l’espace,
ce matin, j’ai revêtu
ma plus belle parure
pour te plaire
–
tu guideras
mes raquettes ornées
de l’unaman de mes ancêtres.
–
Mes pas feutrés
touchent avec respect
cette neige bleue
colorée par le ciel
–
l’étoile de midi
me conduit à Papakassik
où m’attend la graisse
qui élève le chant de mon héritage
quand je pile les os.
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Mes soeurs
les quatre vents
caressent une terre
de lichens et de mousses
de rivières et de lacs,
là où les épinettes blanches
ont parlé à mon père.
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Nous sommes rares
nous sommes riches
–
comme la terre
nous rêvons.
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Les anciens
marchaient sans cesse
–
ils tiraient leurs traîneaux
sur la neige
et quand elle fondait,
ils naviguaient.
–
J’ai perdu la trace
de leur passage
vers la terre dénudée
–
sans guide
pour m’orienter.
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Ton coeur dit
d’où tu viens
–
pense à ton âme,
elle t’a donné la source
avant la naissance.
Joséphine BACON, Bâtons à message Tshissinuatshitakana, Mémoire d’encrier, 2009
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Joséphine Bacon était l’une des invités du Festival America le week-end dernier. J’ai été très touchée lors de son témoignage dans le débat "Amérindiens", Marilyne a été touchée et intéressée par ses réflexions sur le passage d’une langue à l’autre. Nous avons décidé toutes les deux de vous présenter un peu de sa poésie ce dimanche.
J’ai choisi le recueil Bâtons à message, Marilyne vous présent Un thé dans la toundra ici.
Présentation de l’auteure sur le site Mémoire d’encrier :
Née en 1947, Joséphine Bacon est amérindienne, Innue de Betsiamites. Réalisatrice et parolière, Joséphine Bacon est considérée comme une auteure phare. Bâtons à message / Tshissinuatshitakana (Mémoire d’encrier, 2009), son premier ouvrage, est un recueil bilingue français / innu-aimun, qui jouit d’un grand succès. Elle a reçu le Prix des lecteurs du Marché de la Poésie de Montréal. Elle a publié en collaboration avec José Acquelin Nous sommes tous des sauvages (Mémoire d’encrier, 2011). À l’automne 2013 paraît son recueil Un thé dans la toundra / Nipishapui nete mushuat (Mémoire d’encrier).
Voici comment ce premier recueil est présenté chez l’éditeur :
Cet ouvrage bilingue (français et innu-aimun) est une invitation au dialogue. Bâtons à message fait référence à un ensemble de repères qui permettent aux nomades de s’orienter à l’intérieur des terres et de retrouver leur voie/voix. Également poétique de la relation, l’ouvrage est fondé sur l’entraide, la solidarité et le partage, nécessaires à la survie du peuple innu. En écho revient la langue de Nutshimit, la langue de la terre, scandée par le tambour. Résonne ainsi l’histoire des Peuples premiers dans leur juste colère et leur lutte pour la dignité, pour le territoire et pour un vivre-ensemble. La poésie de Joséphine Bacon, simple et belle, est hommage au territoire, aux ancêtres et à la langue innu-aimun. Cette poésie-témoignage recoupe l’histoire dans ses zones les plus inédites. Une vision cosmogonique qui nous plonge dans l’intensité de la parole des aînés : l’itinéraire des porteurs de rêves et de visions, les horizons des femmes guides, le courage des hommes chasseurs, les enfants garants de la continuité du voyage et les arbres, infatigables témoins de la route.
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