Charlotte est une baronne Allemande, son mari le baron Friedrich von Riedesel est un militaire haut gradé qui doit partir au Canada en mission, longue ou brève c’est la vie qui en décidera, pour rapporter de quoi faire vivre noblement sa femme et ses enfants. Ce couple s’aime passionnément mais les règles de vie de l’époque exigeraient que Charlotte reste à attendre le retour de son mari. Elle n’en supporte pas l’idée, elle mettra tout en oeuvre pour le rejoindre, quittera son confort de bourgeoise et, faut-il le dire, mettra du coup en péril la vie de ses fillettes dans ce voyage intrépide. Les embûches seront nombreuses et surprenantes; traitrise, attaques de brigands, crise des domestiques, conditions de vie rudimentaire, avant même d’avoir rejoint son mari qui pourtant veille de loin au confort de sa famille.
Le duo d’auteurs ont su garder le cap sur une héroïne féminine en temps de guerre, ce qui est déjà un exploit en soi, et y ont ajouté des personnages colorés et crédibles avec leurs propres intrigues. J’ai particulièrement aimé celle du bras droit du baron pigé à même les fugueurs, et l’artiste-peintre, la gouvernante des fillettes du couple. Le fait que Charlotte soit servie par différentes personnes et son mari également entraine un thème exploité de façon intéressante ; la loyauté. Les histoires d’amour, de pouvoir, d’art et d’érudition s’entremêlent à l’intrigue principale.
Une approche nouvelle pour moi ; la vie d’un militaire abordé comme un travail. En ce siècle, c’était un métier comme un autre, pas toujours une vocation, ce que j’ai conclu en voyant le baron en action. Général des troupes allemandes chargées d’aider l'armée britannique dans une lutte contre les révoltés américains, il ne prisait pas cette mission loin de sa famille, malgré son génie militaire. Il l’a acceptée par devoir et pour toucher des gages substantiels. Tout au long du récit, on ne perd pas cette notion de travail, le baron, général de guerre, y revient souvent.
Charlotte est venue chercher mon admiration, d’une page à l’autre, pour son audace jamais démentie, son art de travailler par en-dessous, manipulant pour arriver à ses fins, sa débrouillardise, sa créativité, sa détermination. J’ai cru à son histoire d’amour, elle a nourri mon cœur de la première à la dernière page. Ce n’est pas si courant pour moi qui suis difficile pour encenser les histoires de couples.
J’ai trouvé peu de critiques de ce roman édité une première fois en 1998, certains ont mentionné qu’il y a une histoire d’amour sur fond de plusieurs scènes de guerre. Ce qui n’est pas faux, mais rarement je les ai trouvées longues et ardues tellement j’ai fait miens ses objectifs, suivant de près les stratégies, les pertes, les gains, maugréant devant les mauvaises décisions du supérieur du baron, le général en chef, aveuglé par une femme fourbe.
Histoire d’amour intense et d’une grande noblesse, si forte, plus que la vie.
Charlotte et la mémoire du coeur
Auteurs : Lorraine Desjarlais, Jean-Pierre Wilhelmy
Mai 2014 - 553 pages
Septentrion - Hamac Classique