Genre: inclassable, trash, expérimental (interdit aux - 18 ans)
Année: 1999
Durée: 1h01
L'histoire: 3 femmes, 3 façons de se donner la mort. Une "réflexion" sur la solitude, l'isolement et l'incommunicabilté entre les êtres.
La critique d'Inthemoodforgore:
Mais qu'est il arrivé à Tamakachi Anaru ? Qu'est devenu le fou furieux responsable du monstrueux Tumbling Doll of Flesh ? Où est donc passé le dangereux psychopathe qui vomissait sous nos yeux horrifiés, des atrocités promptes à hanter nos pires cauchemars ? L'aurait-on définitivement perdu ? Hé bien, pas du tout. Mais figurez-vous que Môssieur a des états d'âme et par la même occasion, des velléités de vrai metteur en scène. Maintenant, il se met à réfléchir ! C'est ainsi qu'il nous balance sans prévenir Psycho Suicide Dolls, un film "intellectuel". On aura vraiment tout vu.
Ce que je n'ai pas vu, par contre, c'est la boucherie annoncée et claironnée sur tous les sites spécialisés. Pourtant, Psycho Suicide Dolls, au vu de sa réputation, s'annonçait comme un festival de tripailles volant dans tous les sens. Personnellement, je n'y ai vu qu'une oeuvre qui transpire la désespérance et le chaos émotionnel.
En 1999, c'est donc un Anaru considérablement assagi (pour ne pas dire quasiment monastique), qui revient avec une oeuvre "sensible" sur le thème du suicide. Le suicide, pourquoi pas ? D'autres que lui y avaient déjà pensé. Jorg Buttgereit notamment, avec son très déprimant Der Todesking. Plus tard, Sono Sion s'y intéressera aussi en réalisant l'excellent Suicide Club. Mais qui dit Anaru, dit également ultra underground, donc inutile de vouloir comparer Psycho Suicide Dolls avec les deux films précédemment cités qui font figure de blockbusters hollywoodiens en comparaison.
Attention spoilers: L'histoire est composée de trois segments et d'un final en animation. Le premier segment est le plus long. On y voit une jeune femme assise par terre dans son living, en train de téléphoner tout en fumant tranquillement une cigarette. Visiblement, elle vient d'aménager car la pièce est remplie de cartons. En déballant ses affaires, elle trouve un revolver qui semble la fasciner. Puis, elle reste longtemps immobile, fixant le vide avant de repasser un coup de fil qui a l'air de la mettre de bonne humeur.
Pourtant, au fil des minutes, on la voit s'agiter, parler toute seule et se prendre la tête entre les mains comme si elle paraissait accablée. Elle saisit alors le revolver et commence à jour à la roulette russe jusqu'à ce qu'une balle ne lui soit fatale. Le deuxième segment débute par une conversation entre un homme et une femme. Tout indique qu'il s'agit d'une rupture.
L'homme s'en va et la femme reste prostrée. Après avoir fermé les rideaux, elle s'allonge à même le sol pour essayer de dormir. Puis, elle saisit un tissu, une chaise, et part se pendre dans le vestibule de son appartement. Le dernier segment met en scène une femme vêtue d'un kimono traditionnel. Après avoir longuement discuté avec un interlocuteur que l'on ne voit pas, elle s'installe sur un tapis pour procéder au rite du hara kiri. Ainsi, devant une caméra et plusieurs témoins, elle s'ouvrira le ventre et s'auto-prélèvera spectaculairement un globe oculaire avant d'expirer. Le film se terminera de façon pour le moins étonnante sur une séquence animée où des poupées dansent, virevoltent puis s'entretuent au son d'une musique techno-hard assourdissante.
J'avoue avoir été quelque peu déstabilisé après le visionnage de ce film. Alors que je m'attendais à décrire un carnage monumental, je me retrouve à parler d'une oeuvre, certes très sombre, mais à l'opposé de ce que j'avais imaginé. Le gore est quasiment absent et seul le troisième segment délivre (largement, il est vrai) son lot d'hémoglobine. Nous sommes cependant à des années lumières de l'implacable tuerie qu'était Tumbling Doll of Flesh, réalisé par ce même Anaru l'année précédente...
Le suicide est profondément ancré dans la tradition ancestrale japonaise. La culture nippone, basée sur le sacrifice et le don de soi, élève cet acte au niveau ultime de la grandeur d'âme. Le célèbre hara kiri en est évidemment, l'exemple le plus représentatif et le réalisateur n'a pu s'empêcher de l'évoquer dans son film.
Mais dans les sociétés modernes, et au Japon comme ailleurs, les choses ont bien changé. Aujourd'hui, le suicide est d'abord considéré comme un acte désespéré, souvent comme un aveu d'impuissance sur sa propre condition existentielle. Sur le fond, le réalisateur ne tente pas d'expliquer ce phénomène de manière frontale. Toutefois, il met le doigt sur un constat impitoyable: de nos jours, l'individu est plus que jamais confronté à la solitude et cet isolement provoque bien des drames personnels. Un comble à l'heure de la communication tous azimuts et de la multiplication des réseaux sociaux...
Sur la forme, Anaru fait du Anaru. C'est à dire de l'underground très proche de l'expérimental. Décors ultra minimalistes, très peu de protagonistes, images vidéo, absence de musique (sauf pour l'épilogue en animation où là, c'est carrément du gros son). N'ayant toujours pas appris le japonais, je serai bien incapable de vous traduire un traître mot des dialogues. Dommage car le film est assez bavard.
Mais revenons un petit instant sur ce final bien curieux. Il met en scène de petites poupées animées qui dansent, tourbillonnent puis s'agressent et finissent par s'entretuer ou se suicider. Tout cela est accompagné d'une musique absolument démentielle qui fait exploser les tympans. Peut-être faut-il y voir la métaphore d'un tourbillon infernal de déshumanisation dans lequel l'homme est emporté sans qu'il ne puisse s'en échapper autrement que par la violence.
Un film bien étrange que ce Psycho Suicide Dolls. Une chose est sûre: le déferlement de gore si ouvertement proclamé, n'a pas eu lieu et les amateurs s'en trouveront forcément déçus. Cependant, à la place, nous avons droit à une oeuvre qui y gagne et en originalité, ce n'est peut être pas si mal. Après le Tamakachi Anaru boucher, voici le Anaru sociologue. Quel visage nous présentera-t-il pour son prochain film ? Avec ce drôle d'énergumène, nous ne sommes peut-être pas au bout de nos surprises !
Note: ???