Cette recherche apporte à la fois un tout nouvel éclairage sur le virus Ebola et un nouveau paradigme dans la surveillance de la propagation du virus. Si la méthode, le dépistage fécal des anticorps à Ebola chez les grands singes sauvages peut surprendre, alors que l’épidémie a déjà fait plus de 5.000 cas dont plus de 2.600 décès ce nouvel outil de surveillance ne peut pas ne pas être pris en compte. La recherche, présentée dans la revue PLoS Neglected Tropical Diseases, illustre également la mobilisation des scientifiques de toutes spécialités et tous « azimuts » autour de cette épidémie sans précédent.
Depuis le début de l’épidémie, en décembre 2013 et au 14 Septembre 2014, 5.347 cas de maladie à virus Ebola dont 2 630 décès ont été constatés, en Guinée, au Liberia, au Nigeria et en Sierra Leone. L’épidémie, sans précédent par sa croissance et sa diffusion, n’épargne pas les personnels de santé, fragilisant un peu plus des systèmes de santé concernés : 318 cas sont désormais recensés chez des professionnels de santé, dont 151 décès. Tout récemment, une française travaillant auprès de patients atteints du virus Ebola pour le compte de Médecins sans frontières (MSF) au Libéria a contracté la maladie. Enfin, en 2 jours, ce sont près de 1.000 nouveaux cas qui ont été constatés, et l’Organisation mondiale de la Santé craint que le nombre de cas dépasse les 20.000 d’ici la fin de l’année 2014.
Cette recherche originale, menée par la Wildlife Conservation Society (WCS) apporte ainsi un nouvel outil de surveillance à grande échelle de la population et pourrait contribuer à mieux comprendre comme le virus se propage dans l’espace et dans le temps. Car depuis 30 ans déjà, les scientifiques travaillent sur le virus Ebola, sur sa latence à l’état sauvage, sur son émergence dans la faune sauvage et sur sa transmission. De précédentes recherches ont travaillé à partir de prélèvements de sang ou de tissus mais ces échantillons sont difficiles à obtenir. Ce nouvel outil, simple, non invasif, va permettre d’étudier la diffusion du virus au sein de grandes populations de grands singes et de mieux comprendre l’évolution et le mode de transmission du virus.Chez le singe c’est déjà bien, mais quel intérêt pour l’Homme ? Comme les humains, les singes qui survivent aux infections virales vont développer des anticorps. La nouvelle technique permet d’isoler ces anticorps à partir d’échantillons fécaux. Les chercheurs ont analysé ainsi ces échantillons venant de 80 gorilles sauvages en liberté de 5 sites du nord de la République du Congo et 10% des échantillons testés se sont révélés positifs. Ce premier résultat suggère la capacité du test à détecter ces anticorps.
Les épidémies humaines suivent les épidémies de la faune sauvage : Le virus responsable de l’épidémie Ebola d’Afrique de l’Ouest, le virus Ebola-Zaïre a également décimé des populations de gorilles et de chimpanzés sauvages en Afrique centrale. Les épidémies humaines suivent le modèle des épidémies de la faune sauvage, dont celles qui touchent les grands singes. Suivre les épidémies de la faune sauvage peut ainsi permettre de prévoir et prévenir la propagation des épidémies humaines qui vont suivre. De 2 manières. En pratique, en empêchant la consommation d’animaux retrouvés morts et en prenant des mesures de prévention pour limiter la transmission de l’animal à l’homme. Ensuite, les tendances de l’infection par Ebola chez les animaux sauvages peuvent annoncer le risque pour l’Homme. « Le secteur de la santé publique peut alors mieux se préparer à prévenir les épidémies humaines ».
L’étude des anticorps chez le singe va nous en apprendre beaucoup sur le virus : Combien de temps les anticorps persistent, confèrent-ils une protection contre une infection future, combien de singes survivent-ils à l’infection, quelle identification génétique du virus, de nombreuses et précieuses informations pourraient émerger de la simple collecte d’échantillons fécaux « du sol de la forêt ».
Sources:
PLoS Neglected Tropical Diseases doi:10.1371/journal.pntd.0003143 A New Approach for Monitoring Ebolavirus in Wild Great Apes
et ECDC 19 Sept. 2014 Epidemiological Update