« Visible la nuit » de Franck Maubert : God save the king Malaval …

Par Alyette15 @Alyette1

« Visible la nuit » de Franck Maubert aux Editions Fayard

1ère de couverture "Visible la nuit" de Franck Maubert aux Editions Fayard


Robert Malaval
a traversé l’atmosphère terrestre avec la fulgurance de ceux qui savent que rien ne dure. Bien au-delà d’un peintre, il fut un poète avec toute la tragédie qui serpente dans la vocation. Et c’est bien cette trajectoire poétique explosée par le vide que retrace Franck Maubert dans ce roman aussi attachant que fiévreux.

C’est en 1976, année de la canicule, que le jeune Mao-Mao, narrateur de cette histoire, fera sa révolution culturelle. Et le pavé sera de taille lorsqu’il croisera le chemin du peintre Robert Malaval alors qu’il tente de faire sa place dans les premières galeries d’art contemporain du quartier des Halles fraîchement dépourvu de son ventre.

Une rencontre sous forme d’une longue marche à vive allure dans un Paris de nuits blanches que le peintre arpente tantôt fanfaron, tantôt titubant. Ces deux-là feront connaissance par fragments avec une pudeur morcelée de romanesque. Des confidences au cœur du bunker de l’artiste tandis que celui-ci mélange ses canettes de bière à de l’alcool à 90°. Fulgurante sera l’ivresse. Robert Malaval, le prince des punks, élégant à sa façon, un sans dents qui mordait la toile car soucieux de sans cesse la renouveler pour envoyer son uppercut pailleté dans la face des marchands du temple.  C’est qu’il ne mangeait pas de ce pain-là le créateur survolté de l’aliment blanc, un concept dont il aurait voulu draper les comètes. Résolument Pop’art tout en se sachant incapable de répondre aux invectives d’un gourou, il s’enivrait des Stones, de Lou Reed et des Stooges. Trop bourré, trop extrême, il faisait peur. On l’isolait.

Mao-Mao admire Malaval et le cherche sans le trouver, fréquente le Paris interlope, croise la faune déjantée du Palace et le costume maculé d’excès d’Alain Pacadis. Mais déjà le crépuscule s’annonce tandis que le mythique ventre de Paris est répudié en banlieue. Irrémédiable déclin poétique d’une ville à laquelle on ôte son aliment blanc …

En 1980, Robert Malaval s’est tiré une balle de fusil en pleine tête, ce fut sa dernière performance du chaos. Il n’a pas assisté à l’ascension de Bernard Tapie ni à celle de François Pinault mécène. Il n’a pas conçu de goodies rhinocéros en plastique à son effigie. Tel un enfant, il projetait  simplement  vers le ciel des étoiles visibles la nuit.

Vous l’aurez compris, ce roman m’a enchantée. Impeccablement écrit, c’est sans hésitation qu’on suit les déambulations et constellations de Mao-Mao et celles du plus éperdu et idéaliste des peintres. Merci Monsieur Franck Maubert pour la virtuosité élégante de votre voyage littéraire et pour votre plume affûtée et tendre qui sait si bien rendre hommage à ce dernier apache du pinceau. Anarchy in the books.

Astrid MANFREDI, le 18 septembre 2014

Informations pratiques :
Auteur : Franck Maubert
Titre : Visible la nuit
Editeur : Fayard roman
Nombre de pages : 206
Prix France : 17 euros

Tableau de Robert Malaval

Photo de l’auteur

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