Source: Elysée
Il a gagné tous les records de la Vème République. François Hollande est ce président le plus impopulaire de la Vème, les sondeurs nous le répètent à longueur d'enquêtes. Les nationaux-socialistes du Front national rêvent d'une dissolution. Quelques dérangés de la droite furibarde assumaient la même musique dissidente. Hollande avait surtout perdu tout socle à gauche, sans rien gagné à droite. Bref, le vide absolu, qui se mesure sondage après sondage.
Pourtant, il a assuré sa quatrième conférence de presse, au plus fort d'une nouvelle tempête, après une nouvelle séquence détestable et déjà ratée.
"Je ne peux pas, comme président de la République, supprimer la pluie. Je ne peux pas non plus provoquer la pluie."
François Hollande, 18 septembre 2014
1. Il y avait donc quelque courage à se montrer ainsi. A la différence de son prédécesseur, François Hollande tenait au moins cette promesse de s'afficher devant la représentation médiatique, régulièrement, même à l'un des pire moments de son quinquennat. Qu'on s'étonne de ce geste témoigne aussi de l'état de délabrement politique du pays.
2. Hollande, donc, a tenu bon, obstiné, devant l'habituel parterre de journalistes. On raillera l'exercice, le rituel républicain de ces interventions, les ministres présents et silencieux, les 340 journalistes qui se pressent au micro sans droit de suite à chaque question et accrédités par l'Elysée. Certaines choses ne changent pas. Certaines questions furent indignes, ou inutiles, ou les deux.
3. Hollande a d'abord pris de la hauteur présidentielle avec l'inévitable sujet international. Les présidents mal en point - Bush senior, Sarkozy - se réfugient toujours là quand il s'agit de trouver un peu de stature. "En cette rentrée le monde affronte une crise grave, ou plutôt des crises qui se conjuguent et se renforcent. L'Europe est devant des choix cruciaux et la France s'interroge, dans un climat de défiance lourd, sur son avenir." Sur ce terrain-là, Hollande recueillit le soutien de la droite, du centre, et d'une fraction de la gauche, à en croire les commentaires d'après match.
Hollande aurait pu et dû se contenter du rappel majeur, la création d'un monstre islamiste sur les ruines de la Syrie et de l'Irak, le Califat qui décapite et nécessite riposte et destruction. Il le fit ("Un terrorisme qui prétend prendre la place des Etats, et qui s'en prend à la population, quelle que soit sa religion. Ce sont ces groupes que nous avons combattus au Mali. Mais d'autres agissent, au Nigeria, en Libye, en Somalie, en Irak et en Syrie"), mais en l'enrobant d'un jargon anxiogène général.
Hollande n'échappa pas à la posture du président protecteur devant un monde menaçant. C'en fut même aussi caricatural qu'inutile: "Mon premier devoir c'est d'assurer la sécurité de la France, j'en ai la responsabilité. Le monde est menacé par un terrorisme qui a changé de dimension, qui n'a jamais eu autant de moyens financiers, militaires, humains." Rappeler le "terrorisme" était bien opportun, puisque Bernard Cazeneuve venait de faire voter une énième et improbable loi facilitant l'espionnage informatique (Sarkozy n'avait-il pas déjà tout réalisé en la mayière ?) et interdisant les déplacements d'apprentis djihadistes vers l'étranger.
L'urgence sécuritaire face à des menaces étrangères anxiogènes est une ficelle grosse comme un cordage.
L'international, globalement, a occupé plus longtemps qu'auparavant, le propos liminaire du chef de l'Etat. Tout y passé: Guinée, Ebola, Daesh, Russie, Ukraine, etc.
4. Pour une fois, François Hollande n'a rien annoncé de nouveau. Ses précédentes interventions publiques et officielles - les voeux de décembre 2013, l'intervention de janvier 2014, etc - nous avaient habitués à de nouveaux serrages de vis vers la droite, toujours plus à droite. Pacte de "Responsabilité", plan d'économies de 50 milliards, remise en cause des droits sociaux, gels des minima sociaux... cette fois-ci, nous fûmes épargnés. Hollande s'en tenait à un cap, et ce paquet de décisions social-libérales sans résultats ici ou ailleurs.
"Ces choix : la compétitivité, nécessaire pour des entreprises solides, l'excellence industrielle et agricole. Soutenir les entreprises, c'est soutenir ceux qui travaillent. C'est le sens du pacte de responsabilité"Face à l'Europe, il rappelle son envie d'une politique de croissance en Europe. C'est trop tard, on n'écoute plus, on constate la réalité:" l'Europe ne peut pas vivre durablement avec une croissance ralentie quand il y a tant de chômage." Hollande ne peut que se féliciter de l'action indépendante d'une banque centrale indépendante.
Où est passée l'action politique ?
Hollande a répété le cadeau de la semaine, énoncé par Valls la veille - la suppression de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Sur les ondes, certains journalistes faisaient mine d'oublier que les Français payent tous déjà des impôts indirects ("Cette année, nous venons d'annoncer qu'il y allait avoir la suppression de la première tranche des impôts, aux bénéfices de 9 millions de contribuables.")
5. Jamais Hollande ne prononça l'expression qu'il fallait: nous attendions un aveu, une reconnaissance, qu'il y avait bien eut un tournant, un virage, un changement par rapport à son programme électoral de 2012. Combien de proches et d'électrices ou d'électeurs ont déserté les rangs de ses soutiens ? Pourtant, il n'entend pas, n'explique pas, n'assume pas. Manuel Valls, qui au moins défend la même ligne politique qui lui valut inimitiés durables et 5% des suffrages lors des primaires socialistes de 2011.
Loin de se justifier, Hollande s'excusa de ne pas aller aussi vite que Schröder en Allemagne: "Nous sommes forts mais nous ne pouvons pas faire mieux que les Allemands et deux fois plus vite." On se pince.
Tout juste reconnut-il que sa "majorité" pouvait ne pas être d'accord initialement avec le coup de barre à droite: "Ce choix n'est pas facile devant la majorité, qui aurait voulu qu'on distribue davantage."
Il s'abrite derrière un argument, certes fidèle à son programme initial, mais incomplet puisqu'il ne recoupe qu'une infime partie de l'actuelle politique: "J'ai fait le choix de maîtriser la dépense publique. Le niveau de dépenses de l'Etat est le même depuis trois ans, malgré l'inflation - faible, je le conçois."
Hollande n'est pas sûr pas de lui. Sinon, pourquoi ne pas reconnaître le changement ?
Il n'ose assumer son virage. Il en appelle à l'opposition de droite: "Tous les concours sont les bienvenus, y compris les propositions de l'opposition. Je connais déjà les critiques, même si tout le monde se souvient que ceux qui les émettent ont gouverné pendant 10 ans."
Il espère un retournement de conjoncture. Il reconnaît simplement l'échec, pour le moment.
Allumez vos cierges.
"Les résultats tardent à venir, je le sais, je le vois. Ils viendront. Ils viendront si nous nous mobilisons tous. Le gouvernement doit faire toute ce qu'il peut, je fais tout ce que je dois. J'ai conscience que cette ligne que j'ai fixée, que le cap que j'ai montré, nous permettra d'avoir des résultats."