L’ Aliéniste (récit complet)

Chronique « L’Aliéniste » : un village de fous…

Scénario : Gabriel Bà (d’après le roman de Joaquim Maria Machado de Assis) ; dessin de Fàbio Moon

Public conseillé : Adultes / grands adolescents,

Style : Roman graphique<
Paru chez Urban Comics, le 26 Septembre 2014, collection « Urban Indies », 72 pages, 14 euros
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L’histoire

Dans la petite ville brésilienne d’Itaguaï, l’éminent docteur Simon Bacamarte s’installe. Son domaine de prédilection : l’examen de la pathologie cérébrale !
Enchanté de l’honneur que lui fait le grand homme, la commune d’Itaguaï met à sa disposition des moyens illimités qui lui permettent de mener à bien ses recherches en fondant « la maison verte ».
Totalement investi dans l’étude des pathologies mentales, Bacamarte commence à interner quelques patients. Classification, observation, enquêtes, supputations, démonstrations, le grand esprit se plonge dans les travaux, en délaissant Dona Evarista, sa femme chérie. Après son départ pour Rio de Janeiro, il cherche à « tracer définitivement les limites entre raison et folie ». Autrement dit, si la raison est le parfait équilibre de toutes les facultés, le reste n’est que folie ».
C’est ainsi que Costa, suspecté de gentillesse et de complaisante excessive, fut interné de force dans « la maison verte »…

Ce que j’en pense

Après le sublime « Daytripper« , salué par la critique et le public (Meilleur scénario-Eisner 2011, sélection festival d’Angoulême 2013), Fabio Moon et Gabriel Ba s’attaquent à l’adaptation d’une oeuvre majeure de la littérature brésilienne. Publié à la fin du 19e siècle, ‘L’aliéniste’ est un célèbre roman de J. M. Machado de Assis, un petit bijou ironique, doublé d’une critique sociale. Pas le genre de sujet réputé facile à adapter.
Les deux frères jumeaux Fabio Moon et Gabriel Ba, avec leur style si personnel et leur approche sensible, se sont littéralement emparés de cette oeuvre avec tout le respect nécessaire. Tout en respectant au plus proche le texte original (ils ont conservé les dialogues un peu ampoulés et le langage soutenu de l’époque), ils apportent une lecture sensible et brillante du roman.
Quant le grand homme, Bacamarte, redéfinit les limites de la folie, on peut se demander qui est fou et qui ne l’est pas ?
C’est le point de départ de cette farce imaginée par Machado de Assis, car Personnen’est à l’abri d’être traité de fou, si tout est démence…
Rapidement, tous les habitants d’Itaguaï, qui avaient mené le scientifique sur un piédestal, vont en subir les frais. Un à un, suspectés d’une gentillesse excessive ou d’un transport amoureux inutile, vont se faire interner dans la « Maison verte ». Sous le regard biasé de Bacamarte, tout est pathologie !
Bien entendu, la situation va empirer et le « tyrano-scientifique » va susciter rancoeurs et opposants au système (bien compréhensibles).
Ajoutez à cela un beau retournement de situation (quand l’Aliéniste s’aperçoit de son erreur) et vous obtiendrez un magnifique « patacaisse » scénaristique totalement Kafkaien. Jouissif, quoi !

Le dessin

Le dessin de Fabio Moon et Gabriel Ba est vraiment particulier. Sur une base classique, les deux auteurs posent un trait souple et large (tout au pinceau, j’imagine) très expressif.
Si la mise-en-page ne cherche pas l’originalité (tout en trois ou quatre bandes), les cadrages sont soignés et très lisibles.
Sensible, subtil, le dessin est rehaussé d’un lavis ocre léger et aérien.
Décidément, le dessin des deux frères me ramène systématiquement à celui te Craig Thompson (Habibi, Blankets), voir du grand Will Eisner. Que du beau monde !

pour résumer

Après le fantastique « Daytripper », les deux frères Fabio Moon et Gabriel Ba s’attaquent à une référence de la littérature brésilienne. En adaptant l’Aliéniste, ils nous offrent une relecture sensible et subtile de cette formidable fable ironique, qui s’interroge sur la folie et la normalité. De l’exigent, du beau, du sensible et de l’intelligent ! Que demander de plus ?