Le problème des sans-papiers est aussi préoccupant en Belgique qu’il l’est en France. Même topo : expulsions de personnes bien intégrées, rétentions d’enfants dans les « centres fermés », drames humains où la seule opposition est le suicide ou la grève de la faim. Sauf qu’en Belgique il n’y a pas Hortefeux, pas de quotas d’expulsions et encore moins de chasse policière aux illégaux. Le problème des clandestins est abordé d’une manière beaucoup plus soft mais sans efficacité aucune. Les demandes de régularisation nécessitent généralement plusieurs années avant d’obtenir la décision du redoutable Office des étrangers, seul maître en la matière, et celle-ci est le plus souvent négative.
L’accord du fébrile gouvernement Leterme prévoit trois catégories d’illégaux qui pourraient prétendre à une régularisation : ceux qui ont introduit une demande d’asile il y a au moins … 4 ans, ceux qui séjournent en Belgique depuis le 31 mars 2007 et qui ont une offre de travail ferme ou un statut de travailleur indépendant et enfin ceux qui peuvent justifier d’un “ancrage local durable”, autrement dit une bonne intégration au sein de leur commune de résidence avec la ferme volonté … de travailler.
La ministre (libérale flamande) de la Politique de migration et d’asile voudrait objectiver ce critère d’ancrage local durable par le biais d’une sorte de permis à points : avoir du travail vaudrait 40 points, suivre ou avoir suivi une formation vaudrait 10 points, avoir des enfants scolarisés vaudrait 10 points, avoir suivi un cours de langue vaudrait 20 ou 10 selon qu’on la maîtrise correctement ou pas. Cerise sur le gâteau : un avis positif du bourgmestre (maire) vaudrait 10 points mais, s’il ne donne pas d’avis c’est 0 point et s’il émet un avis négatif … on retire 10 points. Les requérants qui totaliseraient 70 points obtiendraient de facto la régularisation de leur non-statut. Simple, non ?
S’il a le mérite d’exister, ce projet suscite beaucoup de questions puisqu’il tente d’objectiver des situations sur base de deux critères tout à fait subjectifs : l’avis du bourgmestre et l’appréciation de la connaissance de la langue. La porte est ainsi ouverte à une inégalité de traitement. Qui dit Belgique dit automatiquement divergence communautaire - en particulier sur ce sujet sensible - que l’on risque évidemment de retrouver ici de manière insidieuse. On peut en effet imaginer qu’une situation de demandeur d’asile en Flandre ne sera pas examinée de la même manière qu’en Wallonie ou à Bruxelles.
Ce système – s’il est voté - est donc une nouvelle fuite en avant pour pouvoir justifier un accord ou un refus à la Ponce Pilate en se voilant la face. Avec un risque de conséquences perverses : le renforcement de la clandestinité par peur du refoulement et l’afflux de sans-papiers dans des communes plus « accommodantes » au grand bénéfice de celles qui font barrage.
Tout ça n’est finalement qu’une mesure d’urgence pour pallier l’inefficacité des services de l’Office des étrangers. Un emplâtre sur une jambe de bois. Mais quand il y a le feu, il faut bien l’éteindre.