La confiance est comme la vertu : si elle est petite c'est qu'elle n'est pas. Ce fut donc une victoire à la Pyrrhus que cette confiance là. Entre avril et septembre, trente-sept députés supplémentaires ont choisi de ne plus soutenir le gouvernement. A la première réforme difficile dictée par Bruxelles, les marchés ou les nécessités économiques, Valls devra fourbir du 49-3, ce qu'il ne peut faire que modérément depuis une récente révision constitutionnelle. Après l’avertissement d'hier, les députés socialistes frondeurs n'auront aucun complexe à passer dans le camp de l'opposition pure et simple si d'aventure on veut leur faire voter des lois antisociââââââles, comme ils disent. Leurs rangs s’étofferont d’autant plus facilement que le gouvernement n’a pas osé aborder le moindre sujet qui fâche.
On dit les élus PS attachés à la gamelle de leurs indemnités. C'est vrai, à ceci près que beaucoup, vieillissants et/ou fonctionnaires, ont la ressource de retourner à d'autres sinécures. Quant à ceux qui entendent poursuivre leur carrière politique, ils peuvent raisonnablement considérer qu'il vaut mieux abandonner un navire en perdition que compromettre leur avenir à long terme.
L'extrême fragilité de Valls et Hollande a d'ores et déjà conduit à leur reculade sur la réforme des professions réglementées. Il en est de même des petites retraites et du minimum vieillesse que le Premier ministre veut désormais revaloriser avec un argent qu'il n'a plus en caisse. On imagine à quel point il est par conséquent in-envisageable de voir le gouvernement se colleter les 35 heures, le statut de la fonction publique, le Smic, les régimes spéciaux de retraite ou les arrêts-maladie. Par delà les effets de tribune et les discours affichant tout et son contraire, nous sommes en pleine paralysie institutionnelle à un moment où Merkel et ses satellites européens réalisent qu'il n'ont plus grand chose à craindre en brutalisant la France.
Valls n’a obtenu en réalité qu’un répit en évitant de heurter la «gauche» du PS. Son discours devant l’Assemblée nationale n’a strictement rien ajouté à ce qu’il ressasse depuis des mois et qui ne permet pas de relancer la France.
De manière plus authentique, Mou-Président et son Premier ministre, ont livré la semaine dernière, chacun dans leur coin, une sorte de mode d'emploi de leur départ anticipé. On peut y voir comme un aveu freudien, l'expression d'un désir latent ou une manière de conjurer le mauvais sort.
Dans une interview grandiose au Nouvel Obs, Hollande a en effet déclaré qu'il entendait rester jusqu'au bout. Mais au bout de quoi donc ? De ses forces ? De ses ressources ? De la patience des Français ? Le simple fait de dire qu'on souhaite demeurer en place est déjà un aveu de faiblesse car, pour un président droit dans ses bottes, la question ne se poserait tout simplement pas. Et qu'est-ce donc qui le contraindrait à partir avant l'heure, selon son propre aveu ? Soit un "mai 68 à l'envers", a-t-il dit, soit un parlement ingouvernable. Bref, un rejet par la rue ou par l'Assemblée nationale.
Si Hollande voulait inciter ses adversaires à tenter de mobiliser les foules, il ne s'y prendrait pas autrement : Mélenchon appelle déjà à manifester pour célébrer à sa façon le mi-mandat. A 2 % de souhaits qu'il se représente - oui, vous avez bien lu 2 % -, la seule chance pour Hollande d'être réélu est désormais que de graves troubles ou même des attentats terroristes ressoudent des Français désemparés derrière leur chef en titre. Hollande nous a, en fait, livré discrètement un mode d'emploi pour abréger ses souffrances.
Valls lui a aussitôt emboîté le pas, dans des propos mal démentis et que le Monde a d'ailleurs confirmés : d'ici trois ou six mois dit-il, si la situation ne s'est pas améliorée, son gouvernement ne pourra pas tenir. Comme rien ne semble aller dans la bonne direction, sauf la légère décrue de l'euro, on ne voit vraiment pas où, d'ici six mois au mieux, Valls ira chercher le regain qu'il espère.
Bref, malgré des efforts poussifs à la tribune de l'Assemblée et une confiance qui sera bien vite oubliée, la sinistrose s'est emparée du sommet de l'Etat et ses chefs s'accoutument peu à peu à l'idée d’un départ anticipé. Ce serait un profond soulagement pour eux-mêmes autant que pour les Français. Le pays est figé dans l'attente d'une bourrasque et il faudra bien, à un moment ou à un autre, que l’affaire se noue.
2 - Reductio ad Stalinum
Aquilino Morelle a innové : ce n’est pas la queue fourchue du diable hitlérien qu’il a aperçue à la fin de son séjour à l’Elysée, mais celle de son alter ego, le Père Joseph Staline. Selon ses dires, c’est en effet une sorte de Tchéka «hollandaise», aussi terrible qu’une Gestapo sans doute, qui se serait livrée à une purification ethnique contre sa petite personne. Avec Jouyet dans le rôle d’Himmler ?
On apprécie tous les jours à quel point Sa Normalité est parvenue à apaiser la France, jusque sous les lambris de la rue du Faubourg Saint Honoré et dans la roue de son scooter.
3 - Medef à celui qui le lira
Signe des temps, la gesticulation gouvernementale contamine tous les corps constitués et organismes para-officiels. Jusqu’au Medef qui prône une cure libérale en paraissant s’en excuser pour revenir immédiatement en arrière.
Un porte-parole patronal, effrayé qu’on ait pu le suspecter de vouloir s’en prendre au Smic, a précisé illico qu'il s'agissait d’«éléments de travail qui ne correspondent pas exactement aux propositions que fera le Medef».
Pourtant, le coût excessif de la main d’oeuvre peu qualifiée en France crée inévitablement du chômage de masse, de moins en moins bien déguisé dans l’emploi public ou subventionné. La compétitivité ne pourrait être restaurée que par un mix de dévaluation et de réformes libérales qui impliquent un courage politique et diplomatique dont le pouvoir socialiste est dépourvu. Si les entrepreneurs eux-mêmes n’osent pas le proposer, par crainte de la pensée dominante et des médias de gauche, la langue de bois finira par leur paralyser la mâchoire.
Pour prix de son courage, le Medef n’aura en définitive obtenu que les gros yeux de Valls à l’Assemblée, dans sa quête désespérée de reconquête de l’électorat de gauche.