Élisa aime sa grand-mère. Depuis toute petite, elle part en déambulation dans Venise pour rejoindre ce coin d'arsenal, cette maison sans électricité. Mamie Eia vit là au milieu de son potager, de ses pinceaux et toiles. Et sa petite fille arrive tous les jours avec un petit quelque chose à manger, un flan aux anchois avec les têtes de poisson qui dépassent par exemple. A chaque fois, ce sont des confidences, des cueillettes, des rires et des récitations avec emphase de Shakespeare. Il ne faut surtout pas parler de la maman d’Élisa, ne pas dire que le flan pourrait avoir été préparé avec elle. Ne jamais parler d'elle, au risque d'empoisonner la nourriture et les propos.
La petite fille est ce lien tenu entre la mère et la grand-mère: l'une quémande des nouvelles comme si sa génitrice pouvait n'être qu'un petit enfant, l'autre veut oublier. Mais Élisa se pose trop de question et puis comment dire à sa maman que tout va bien quand Mamie Eia veut devenir une tortue.Les femmes d'un peuple ancien avaient ce pouvoir: ne pas mourir mais se transformer.
Ce conte fantastique présente les éveils d'une gamine et la fin de vie d'une grand-mère. Une vieillesse voulue, assumée, une liberté de gestes et d'envies. Il s'agit aussi là d'un fil tenu entre la vieillesse, la folie, le petit grain dans la tête et la sagesse.Mamie Eia se transforme, se métamorphose. Actrice aimant Shakespeare, elle programme ce qu'elle devient avec sa petite fille. Une autre forme de dialogues, des murmures et des inflexions qui en duront peut-être long sur l'envie de vivre ou de partir.C'est beau et délicat!
Ici l'avis de Mirontaine
*couverture: illustration d'Icinori