#impôtAprès le «ras-le-bol fiscal», voici le «haut-le-cœur» : tel est le terme coloré qu’a employé Manuel Valls, mercredi, pour décrire l’état d’esprit des contribuables. Au lendemain de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a confirmé sa volonté de réduire la fiscalité des ménages. Et évoqué, pour ce faire, un renforcement de la décote votée en 2013, ainsi que la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu (IR). Annonce confirmée dans l’après-midi par le ministre du Budget, Christian Eckert. Le pointDOMINIQUE ALBERTINI 17 SEPTEMBRE 2014
QU’EST-CE QU’UNE TRANCHE ?
Pour calculer l’impôt dû par un contribuable, son revenu est divisé en plusieurs parties, ou tranches. A chacune de ces tranches s’applique un taux d’imposition particulier, qui augmente avec le revenu. Voici le barème qui s’applique actuellement :
Ce barème ne signifie pas, par exemple, que les contribuables déclarant plus de 151 200 euros de revenus se voient prélever 45% de cette somme. Ce pourcentage ne s’applique qu’à la partie de leurs revenus qui dépasse 151 200 euros. Le principe est le même pour les autres tranches. Les personnes déclarant moins de 6011 euros de revenus ne sont pas imposables. La première tranche visée par
Manuel Valls est en réalité la seconde sur ce barème - mais la première qui corresponde à un prélèvement effectif.
QUI SERAIT CONCERNÉ ?
Selon
Le Monde, l’ensemble des foyers fiscaux imposables bénéficieront de la mesure – soit environ la moitié des 37 millions de foyers fiscaux. En effet, même les ménages les plus aisés voient une partie de leurs revenus imposés au titre de la première tranche. Toutefois, les effets de cette mesure seront compensés par une hausse des taux dans le haut du barème. De sorte que les impôts des 30% de ménages les plus aisés resteront les mêmes après la réforme. Contacté par
Libération pour plus de détails sur ses projets, le ministère du Budget n’a pas donné suite.Par ailleurs, le mécanisme de décote fiscale adopté à l’été, et qui bénéficie dès cette année à 4,2 millions de ménages modestes, va être renforcé. Selon le ministre du Budget, Christian Eckert, ces mesures devraient bénéficier à un total de 9 millions de personnes. Leur coût s’élève à 3,3 milliards d’euros – une somme déjà dégagée, en partie, pour la baisse de cotisations sociales qui devait avoir lieu en 2015, mais que le Conseil constitutionnel a censurée et dont le coût sera ainsi
«recyclé».QUEL SERAIT L’IMPACT DE LA SUPPRESSION DE LA PREMIÈRE TRANCHE ?
Pour un célibataire sans enfants déclarant tout juste 6011 euros, soit le seuil d’entrée dans l’imposition, l’impôt est à peu près nul - donc également l’intérêt à la suppression de la première tranche. Pour un autre émargeant à 11 991 euros, soit la limite supérieure de cette tranche, le montant de l’impôt sera de 330 euros environ - bénéfice maximum de la réforme pour un célibataire sans enfants. Manuel Valls a également cité l’exemple d’un
«couple salarié avec trois enfants gagnant 4200 euros par mois à deux», qui peut espérer
«plus de 1100 euros de baisse d’impôts». Reste, en outre, à connaître l’impact de la nouvelle décote, qui sera adoptée cet automne avec le budget 2015.
QUELLES RÉACTIONS ?
Plusieurs politiques ont déploré le caractère
«bricolé» de l’annonce du Premier ministre.
«Sur la fiscalité, il y a une méthode qui est faite d’improvisation fiscale depuis le début du quinquennat, c’est la méthode du salami, au coup par coup, a regretté le député PS “frondeur” Christian Paul.
Il faut en finir avec les annonces qui contribuent à compliquer le système et confirment que Bercy ne maîtrise plus la machine à produire de la législation fiscale.» De son côté, la porte-parole écologiste Sandrine Rousseau a jugé que
«c’est bien de supprimer une tranche d’impôt mais globalement ça ne fait pas une politique fiscale».Même son de cloche chez le président du Modem, François Bayrou :
«C’est de l’improvisation au jour le jour, à la minute la minute, pour corriger les insuffisances dans les enquêtes d’opinion du discours d’hiere mardi.» Quant au porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles, il a vu
«dans les déclarations de Manuel Valls de nouveaux signaux d’un exécutif en déroute».Dominique ALBERTINI