A moins d’une heure de Copenhague, la forteresse de Kronborg fait face à la Suède. Bâti dans la ville de Helsingør (francisé Elseneur), le château de Kronborg serait la scène originale de la tragédie de Hamlet. Jeune prince du Danemark, Hamlet assiste au décès de son père qui laisse ainsi le trône libre à son frère Claudius. Quelques temps plus tard, Claudius épouse la reine veuve qui n’est autre que la mère de Hamlet. La scène est hantée par le fantôme du père dans une puissante forteresse où règle le goût du meurtre et du complot.
Quand on connaît l’œuvre The Tragical History of Hamlet, Prince of Denmark de William Shakespeare, on ne peut s’empêcher de penser à cette sombre histoire. La folie de Gertrude, le désespoir d’Ophélie, les idées de Hamlet semblent imprégner les murs tant on nous répète que c’est ici que les lieux prennent place. Le château a quant à lui au cours des ans servi de théâtre grandeur nature pour de multiples représentations, des plus traditionnelles aux plus contemporaines.
Une forteresse légendaire
La construction du château de Kronborg date de 1547 à la pointe du Danemark permettant ainsi de maîtriser l’entrée dans la mer Baltique. Aujourd’hui c’est une version reconstruire du château qu’on peut visiter car quasiment tout avait été détruit par l’incendie de 1629 à l’exception de la chapelle.
Le lieu est marqué par son empreinte royale, diplomatique mais aussi militaire. Des dates inscrites sur des murs de l’enceinte ou sur des portes permettent de connaître la date de construction de ces éléments.
Deux places fortes qui se font face
Mais le château de Kronborg est surtout un lieu stratégique pour le Danemark. Depuis les remparts on aperçoit les cotes du Royaume de Suède et la cité de Helsinborg. Helsingør et Helsinborg se font donc face et se toisent du regard dans une forme d’entente cordiale.
Ce lieu a naturellement été un péage très utile pour tous les bateaux qui passaient et une source de revenu conséquente pour le royaume. Tandis qu’on ne demandait qu’une somme symbolique aux navires, un jour le roi du Danemark demanda plusieurs millions de couronnes… et fut servi ! Tout refus équivalait à l’époque de recevoir un boulet de canon. C’est une motivation suffisante, que même quelqu’un atteint du syndrome Thevenoud n’aurait pas pu refuser.
Les portes sont là pour nous rappeler la nature des lieux
Il semble difficile de concevoir à Kronborg une porte qui soit simplement fonctionnel pour servir de passage entre un lieu et un autre. J’ai été marquée par la décoration et les structures autour des portes.
Les portes permettent d’ajouter des décoration au bâtiment pour une architecture riche, mais également de signifier le passage d’un roi du Danemark. Ainsi lorsque vous trouvez le sigle « C4″ au Danemark, il s’agira de la marque de Christian IV, roi du Danemark et de Norvège (1577 – 1648). Les armoiries du royaume du Danemark ou ceux de dirigeants sont courants dans les ornements de château au Danemark. Les escaliers sont par exemple les lieux idéaux pour exposer un armorial que le visiteur découvre à chaque pas.
On verra également quelques crânes dispersés dans l’architecture. Clin d’œil direct à Hamlet ?
Ma royauté n’est qu’un fantôme,
Et je vous donne mon royaume
Pour un baiser…Hamlet, dans W. Shakespeare, Hamlet, Acte I, Scène 2.
Si vous visiter le château, vous commencerez certainement par les souterrains. Munissez-vous d’une lampe torche car quelques plafonds sont bas et c’est très utile pour comprendre où vous marchez. Attention, quelques fantômes hantent certainement encore les sous-sols de la forteresse.
Noirs projets, mains promptes au mal !
Heure propice et drogues prête,
Calme instant où nul œil n’arrête
Le crime infernal !L’intérprète, dans W. Shakespeare, Hamlet, Acte III, Scène 2
Sur les portes en extérieur, j’ai surtout apprécié ces détails qui nous révèlent une fausse symétrie. Si on regarde attentivement les parties sculptées, on verra que les visages ne sont pas les mêmes. Tantôt sont-ils souriants, tantôt semblent-ils tristes.
Un guerrier en attente de son heure
Holger Danske ou Ogier le Danois est un personnage aux multiples origines.
Certains aiment dire qu’il appartient à la Chanson de la geste de Charlemagne, mais j’aime l’histoire locale danoise où ce grand guerrier serait endormie dans les souterrains du château. Lorsque le pays sera menacé, Holger Danske se réveillera pour défendre le royaume.
La sculpture présente au château pour présenter son histoire a été réalisée par Hans Peder Pedersen-Dan à qui on doit également les éléphants de la porte aux éléphants de la brasserie Carlsberg à Copenhague.
Pas que des vikings dans les châteaux
On peut s’étonner de voir de multiples références culturelles dans le château. Demeure royale d’ascendance viking, il ne faut pourtant pas oublier que nous sommes en terre aujourd’hui protestante luthérienne. Cependant le Danemark était catholique avant 1536, ce qui signifie qu’à la construction de ce château le pays était converti depuis moins de 15 ans. La place de la chapelle est donc dominante et il n’est pas étonnant de voir des angelots décorer quelques façades. Tandis qu’on note des éléments qui réfèrent à la culture viking dans des bâtiments construits à la demande de Christian IV, je n’ai remarqué aucun dragon ou trace d’elfe à Kronborg.
Ce château est un digne représentant de l’architecture de la Renaissance, époque où on redécouvrit aussi les mythes gréco-romains ce qui explique une décoration riche en référence à la mythologie antique.
Petite note au sujet de la visite du château, j’ai remarqué qu’on avait peu tendance au Danemark à créer des couloirs avec des cordons pour les visiteurs. Ce n’est du moins pas du tout systématique. On peut se mouvoir librement dans les pièces pour aller d’un bout à l’autre sauf exception où une scénographie avec des objets précieux demande une certaine distance. Mais j’ai le sentiment que c’est p lutôt lié à la densité des objets présents.
Pendant que beaucoup de nos châteaux en France sont aussi des musées où on accumule dans la même pièce un grand nombre d’objets, ici j’ai eu l’impression d’être simplement chez quelqu’un avec des chaises mises indisponibles grâce à des fils, et des tables qui avaient une pancarte « ne pas toucher ».