Note:
Origine : France
Réalisateurs : Éric Toledano, Olivier Nakache
Distribution : Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim, Izia Higelin, Issaka Sawadogo, Hélène Vincent, Christiane Millet, Clotilde Mollet…
Genre : Comédie/Drame/Adaptation
Date de sortie : 15 octobre 2014
Le Pitch :
Samba, un immigré sénégalais en situation irrégulière, enchaîne les petits boulots à Paris depuis 10 ans. Alice, une cadre supérieure, récupère quant à elle d’une grave dépression nerveuse en travaillant bénévolement dans une association d’aide aux immigrés. Un jour, elle croise Samba, alors que ce dernier risque de se faire expulser. Rapidement, la jeune femme s’attache à lui, et fait tout son possible pour l’aider. Peu à peu, tandis que la vie suit son cours, entre galères et petits bonheurs, Alice et Samba se rapprochent…
La Critique :
Cartonner au box office, c’est super. Rallier une majorité des critiques en plus, c’est encore mieux. Traverser les frontières, vendre son film un peu partout et récolter des récompenses et des caisses de louanges, c’est carrément formidable. Malheureusement, le revers de la médaille n’est pas négligeable. Il inscrit votre nom dans la légende. Avec Intouchables, Éric Toledano et Olivier Nakache ont cassé la baraque. Omar Sy lui, est devenu une star exportable, puis un X-Men, avant de rejoindre Chris Pratt dans la nouvelle mouture de Jurassic Park (Jurassic World). Un tel succès entraine un certain nombre d’attentes. Des mecs qui arrivent à accomplir de telles choses, forcement, on les attend au tournant. Certains ont probablement envie de les descendre en flèche et tout le monde va guetter le box office pour savoir si le nouveau film fera mieux qu’Intouchables.
Pas évident donc de bosser dans de telles conditions. Pas facile d’arriver à se blinder face aux conséquences d’un mega hit, pour se concentrer sur une œuvre nouvelle, qui va entraîner quoi qu’il en soit une comparaison. Y compris si les deux longs-métrages n’ont rien à voir l’un avec l’autre.
C’est d’ailleurs peut-être pour cela que les deux cinéastes ont d’une part choisi de retrouver Omar Sy et de l’autre opté pour un sujet traitant en substance de la même chose qu’Intouchables.
Toledano et Nakache auraient pu faire n’importe quoi. Les portes leur étaient grandes ouvertes. Eux ont préféré continuer à explorer les mêmes thématiques. Samba, leur nouveau long-métrage, met donc toujours face à face deux versants d’une même société. D’un côté l’argent, de l’autre la pauvreté. D’un côté la bonne humeur et l’espoir tenace, de l’autre la dépression. Omar Sy n’est plus un gars des banlieues mais un sans-papiers sénégalais qui ne demande qu’à se faire accepter par une société à laquelle il a tant donné, via d’innombrables petits boulots bien souvent très difficiles. Charlotte Gainsbourg est une handicapée de la vie, qui n’arrive plus à faire face. Les deux ont tout à gagner à s’aider et à s’écouter.
Samba aborde beaucoup de questions déjà présentes dans Intouchables. Les personnages aussi se ressemblent. Les deux principaux en tout cas. Cela dit, le nouveau film du duo gagnant du cinéma français n’encourage pas une critique comparative, car il ne fait pas du sur-place. Pas plus qu’il ne regarde dans le rétro en essayant de reproduire une recette gagnante. L’équipe a beau l’être (gagnante), là elle se met un peu plus en danger. Elle livre une œuvre plus complexe, moins unilatérale qu’Intouchables, plus rugueuse, et un peu plus tournée vers le drame, même si c’est au final la comédie qui l’emporte, comme antidote au désespoir inhérents aux situations. Samba est également davantage politisé, surtout si on considère le contexte social qui est le nôtre. Sans misérabilisme aucun, ni facilités trop voyantes ou grossières. Samba ne prend pas de raccourcis et raconte une histoire qui méritait d’être racontée.
Si Samba est plus complexe qu’Intouchables c’est aussi parce qu’il aborde l’air de rien, une problématique brûlante. Le personnage incarné par Omar Sy est un sans-papier, tout comme celui campé par Tahar Rahim. Loin de se reposer sur un marasme pourtant évident, le film adopte une rythmique vivante, qui carbure à l’espoir et à l’humour. Le dosage est particulièrement bien vu, la prose de Delphine Coulin, qui voit ici son roman adapté (Samba pour la France) s’accorde à merveille sur une partition qui refuse le sur-place et les débordements. Comme dans leur précédente livraison, Toledano et Nakache jouent sur les ruptures de ton. Depuis cependant, leur technique s’est affutée et ici, elle ne connait pour ainsi dire pas de ratés. Seule la longueur du film, un peu excessive, est peut-être à souligner. Pour le reste, rien à dire et Samba d’apparaître au final comme un petit miracle caractérisé par le bon goût de son écriture et de sa mise en scène, et porté par un message de tolérance pertinent et éloquent.
Les acteurs ne sont bien évidemment pas étrangers à la réussite de Samba. À vrai dire, ils sont tous formidables. Izia Higelin confirme qu’elle est au moins aussi douée pour le cinéma que pour la musique, Tahar Rahim surprend dans les pompes d’un personnage assez jubilatoire et les multiples seconds rôles sont généralement campés par des comédiens solides, ayant parfaitement compris la teneur du film.
Pour ce qui est du duo vedette, là encore c’est gagné. Plutôt improbable, l’association de Charlotte Gainsbourg et d’Omar Sy est à l’image du long-métrage dans son intégralité. La première fait ce qu’elle sait faire de mieux, entre la mélancolie de ses rôles les plus sombres et surtout l’aspect comique entrevu dans ses collaborations avec Yvan Attal notamment, tandis que le second trouve tout simplement son meilleur rôle à ce jour. Samba était fait pour rencontrer Omar Sy. Ayant parfaitement saisi les motivations et la sensibilité de ce jeune homme courageux, animé d’un espoir sans limite, Sy fait des merveilles et rentre définitivement dans la cour des grands. Sans jouer la facilité. Sans en faire des tonnes. Samba lui doit beaucoup. Le cinéma français encore davantage.
@ Gilles Rolland